1er mai 2014
Il n’y a pas de récit, mais une suite de tableaux autour de la vie sexuelle et amoureuse d’une jeune femme. Hantée par un passé tourmenté, elle passe d’un homme à l’autre sans véritable attachement. Mais la Lulu de René Maglioccio, d’après Franz Wedekind, est avant tout, sur le plan narratif, une mise à nu des rapports hommes/femmes dont le discours se perd dans la nuit des temps.
Mais il y a surtout une mise en scène qui ne cesse de se construire à mesure qu’un tableau disparaît pour donner la place à un nouveau. Sur un superbe rideau blanc terne en forme d’écran, des collages de dessins de femmes nues aux contours biscornus défilent selon ce qui se passe sur scène. De temps à autres, une image vidéo montre le doux visage d’une jeune femme qui semble se perdre dans une profondeur abyssale. Les comédiens jouent leurs rôles derrière le rideau.
Des scènes étrangères, dont celles de New York où il a fondé la Black Moon Compagny, Magliaccio a appris ce que signifie mettre en scène en toute liberté, à expérimenter avec la forme et la notion de concept. Car c’est bien d’approche conceptuelle qu’il est question dans Lulu, texte sans doute adapté du mythe de Pandore. On parle, on séduit, on fait l’amour, on devient jaloux, on se laisse guider par les instincts. Le sexe devient une priorité. Et sans doute la raison pour laquelle Lulu, laissée à elle-même, cherche ce qui semble le plus lui échapper, un vrai rapport affectif.
Mais quelque chose de vampirique (d’où la très belle référence au Fritz Lang de M le maudit) enveloppe les personnages, comme si pris dans la tourmente de leurs passions, s’évertuaient à rendre l’âme à n’importe quel moment. La séquence finale, très proche du cinéma, est d’une rare émotion dans sa forme et dans sa représentation. Elle oblige notre regard à voir quelque chose à laquelle nous ne sommes pas habitués. Les protagonistes, dirigés de main de maître, se déplacent comme si une caméra les filmait au ralenti. Leurs corps apparaissent alors comme dans un espace traversé par l’au-delà.
Avec Lulu, la Compagnie de la lettre 5 et son metteur en scène René Magliaccio proposent une troublante et enivrante histoire d’amour, de celles qui traversent les âges sans compter le temps.
[ DRAME ]
Auteur : Franz Wedekind – Mise en scène : René Magliaccio – Collages : India Evans – Éclairages : Élise Neil – Musique : Amaury Groc – Mont. vidéo : René Magliaccio – Violoncelliste : Viviana Gosselin – Comédiens : Stéphanie Ribeyreix (Lulu), Luc Charrette (Schigolch), Cédric Cilia (le peintre Schwartz), Grégoire Cloutier (Docteur Goll et autres), Mike Melino (Rodrigo Quasi), Robert Raynaert (Schöning), Jean-Philippe Richard (Alwa), Émilie Sigouin (Comtesse Geschwitz) – Production : La Compagnie de la lettre 5 / Black Moon Theatre Company | Durée : 2 h 05 approx. (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 17 mai 2014 – Espace La Risée.
MISE AUX POINTS
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