14 décembre 2014
Impossible de ne pas se poser la question : est-ce pour redorer son blason que la Grèce nous offre comme cadeau l’une des plus prestigieuses expositions sur son passé antique glorieux ? Minée par une crise économique virulente et une dynamique sociale des plus tendues, la République hellénique revêt ses meilleurs parures pour sans doute montrer à l’étranger que malgré tout, les choses se passent comme si de rien n’était. Ne serait-ce que le temps du séjour de l’exposition à Montréal, suivie d’une incursion à Ottawa, à Chicago et à Washington.
Raffinée, élégante, exceptionnelle, humaniste, d’une logique remarquable, la culture grecque de l’antiquité demeure incontournablement le berceau de la civilisation occidentale, dont le plus beau joyau demeure la notion de « démocratie », de nos jours, malheureusement galvaudée, remplacée par une forme de nouvelle « anarchie » généralisée..
Alors pourquoi cette exposition ? Pour une raison fondamentale de survie totalement justifiée. Par ce retour symbolique et courageux (est-ce un hasard s’il s’agit d’Agamemnon et d’Alexandre le Grand ?) au passé, la Hellas d’aujourd’hui fait une déclaration d’amour à une terre souvent menacée qui, jusqu’à de nos jours, tente de survivre aux nombreux obstacles économiques et politiques environnants. Et qui, tout compte fait, mérite qu’on reconnaisse sa pleine légitimité.
Les six zones qui conduisent les visiteurs dans ce voyage inoubliable à travers les époques témoignent d’une culture ancestrale qui, en amalgamant humanisme, culture, politique et société, construisent par là-même une sorte d’équilibre entre le divin et le terrestre.
Et ce n’est pas par hasard si la visite de l’exposition prend des allures de périple labyrinthique. Il y a là un souci de mise en perspective, de mise en scène, en fait, qui place le spectateur-visiteur dans un espace intemporel, comme si on se laisser guider par le temps. Les éclairages, parfois légèrement tamisés, rendent l’excursion encore plus mystérieuse et sensuellement présente.
Comme dans tout art grec qui se respecte, la simplicité, l’harmonie et la symétrie des formes dominent. Le tout respire la noblesse du geste. Du 7e au 2e millénaire avant l’Ère chrétienne, l’exposition montre surtout des vases, des broches, des fragments d’une culture d’orfèvrerie à la fois gracieuse et sophistiquée. La visite, selon un ordre chronologique parfait, se poursuit au temps des Mycéens (entre le 16e et 12e siècle Av. J-C.), période où la langue se prépare, les masques funéraires représentent un état des lieux de la société et les conflits guerriers ont droit de cité.
Nous poursuivons avec « l’Âge de fer », (11e au 8e sièce av. J-C), alors que le poète Homère suscite l’intérêt des artistes dans ses écrits L’Iliade et L’Odyssée. Il y a aussi la « Grèce archaïque » (7e et 6e siècle) et ses aristrocrates et guerriers. Dans l’exposition, la dame d’Archontiko et celle de Sindos prennent une place incontournable. Nous entrons ensuite dans la Grèce classique (5e et 4e siècle). La philosophie, le théâtre et Athènes sont les centres du monde. Sans oublier les Jeux olympiques, contribuant à donner un répit aux conflits guerriers. Et enfin la Macédoine et ses rois. Philippe II qui, à sa mort, laissera la place à son fils, Alexandre le Grand.
À travers ces époques aussi troublantes que rayonnantes, c’est une civilisation humaine qui donne vie à ce que sera le présent occidental. Avec Les Grecs – d’Agamemnon à Alexandre le Grand, nous sommes les témoins d’une admirable exposition qui nous pousse à remettre en question nos propres valeurs, notre système de pensée, nos valeurs occidentales, et surtout notre idée de démocratie.
Nous devons être reconnaissants envers les institutions culturelles qui ont contribué à faire de ce forum visuel une visite exceptionnelle. Quant à la Grèce d’aujourd’hui, il faudrait que petit à petit elle oublie les accolades éphémères qu’elle pourrait recevoir des pays hôtes et qu’elle songe davantage à diffuser son apport contemporain, celui d’aujourd’hui, en mal d’attention dans monde mondialisé qui ne jure que par la culture populiste des peuples dominants.
En première mondiale – Jusqu’au 26 avril 2015, au Musée Pointe-à-Callière.
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