20 mars 2015
Encore une fois, le printemps arrive tout au moins officiellement et ce festival de films qui montre l’Art dans toutes ses formes prend place à Montréal dans plusieurs endroits dont ceux évidents du Musée des beaux-arts, du Centre canadien d’architecture ou de la Cinémathèque québécoise. En plus d’un fil rouge sur le lien plus patent aujourd’hui entre art et politique, plusieurs films s’intéressent à l’archéologie du savoir.
Le film d’ouverture La Machine: La véritable histoire du Radeau de la Méduse revient dans une docu-fiction, habituelle dans son déroulement, sur la création par Géricault de cet immense tableau qui d’ailleurs ne portait pas ce titre conflictuel lors de son dévoilement officiel. Par le biais de l’enquête de l’historien et officier de marine Philippe Mathieu, le réalisateur Herlé Jouon, d’ailleurs auteur d’autres œuvres sur des sujets maritimes, nous amène des bords de la Charente à ceux de la Seine en passant par les forêts des Landes pour appréhender l’histoire véritable de ce catastrophique naufrage qui enflamma certains esprits surtout après la divulgation d’un rapport secret et la publication d’un journal de bord par le médecin Savigny. La mise en scène documentaire, avec son commentaire explicatif souvent redondant, est un peu trop posée à l’image des pas feutrés entendus dans ces antres du savoir. La passion de certains transparaît pourtant et le radeau, comme machine à broyer et à naufrager, aura repris, à la fin du voyage filmique, toute sa place.
En compétition aussi Beatus: The Spanish Apocalypse du grand réalisateur Murray Grigor parcourt, avec le docte professeur John Williams de l’Université de Pittsburgh, l’histoire de l’Espagne des Wisigoths à aujourd’hui pour faire comprendre ces fils artistiques, politiques et religieux qui ont permis l’éclosion de ce manuscrit illustrant par des formidables enluminures l’Apocalypse selon Jean. L’échange entre la civilisation andalouse musulmane et le nord de l’Espagne farouchement catholique ainsi qu’avec les Français au-delà des Pyrénées est démontré par la visite de chapelles, couvents, musées ou bibliothèques où l’auteur Williams discoure d’égal à égal avec d’autres érudits.
Le pillage artistique par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale est le sujet de plusieurs documentaires utiles que ce festival présente après la sortie de l’incomplet Monuments Men de George Clooney. Ce pillage continue car des chefs d’œuvre sont subtilisés par divers types de filous dans les zones de guerre. Stolen Warriors de l’Allemand Wolfgang Luck revient sur un cas d’espèce de statues khmères abîmées et sorties du pays pendant le génocide. Le traitement est malheureusement plutôt télé-filmique dans une présentation d’une enquête policière se promenant du Cambodge à New York en passant par la Thaïlande. Prenant comme base l’histoire des photos d’identité judiciaire, le Canadien Dennis Mohr, dans Mugshot, en montre toutes les ramifications actuelles, s’interrogeant même sur la notion de vie privée dans ce temps d’Internet. Ces photos permettent même à l’historien amateur écossais Diarmid Moggde reconstituer une certaine histoire d’une ville de la Rust Belt américaine et de donner un arrière-plan documentaire à des films comme Out of the Furnace sorti il y a un peu plus d’un an.
Dans le domaine cinématographique, le portrait amical de la réalisatrice et artiste visuelle Ulrike Ottinger,par sa consœur Brigitte Kramer, est un rappel de l’effervescence artistico-féministe de l’Allemagne des années 70 et 80. La deuxième partie du titre Ulrike Ottinger – Nomad from the Lake est mise en évidence par cette quête d’Ottinger qui tourna au Japon ou en Mongolie des films mettant en vedette Delphine Seyrig et Irm Hermann où l’autre prend toute sa quintessence.Voilà quelques-uns des nombreux courts et longs métrages qui font partie de ce foisonnant festival dont la palette de sujets et d’approches s’est diversifiée dans les dernières années.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.