26 avril 2015
Chez ceux d’expression française, Delacroix, Ingres et bien entendu, Benjamin-Constant. Chez les transalpins, Giulio Rosati ; chez le anglos-saxons, David Roberts. Et tant d’autres. Mais chez tous, une idée de l’orientalisme qui dépasse la simple expression. Leur art pictural leur permet de transcender le quotidien et la « femme » devient en quelque sorte le centre d’attraction.
La sexualité n’est pas dans la captation extrovertie de leurs tableaux, mais dans des détails : une main, une nuque, une position acceuillante, un visage qui dit mille mots et exprime une multitude de fantasmes, naturellement, sans aucune mesure de complot. Misogynes ces tableaux ? Non pas, mais une invitation aux plaisir des sens, chez l’homme, chez la femme. Nous sommes bel et bien à une autre époque que la nôtre, et cela il faut bien le comprendre pour apprécier les œuvres du peintre.
D’ailleurs, à ce propos, plusieurs spectateurs (ou visiteurs) voient ces tableaux avec le regard d’aujourd’hui. Ils font fausse route et feraient mieux d’éviter l’exposition.
Ces femmes dans une terrasse tangéroise n’est que le reflet d’une saine observation. Celle d’un peintre épris d’une terre hospitalière qui l’accueille dans un esprit d’accord. Les hommes de Benjamin-Constant sont des sultans, des pachas, des guerriers, ou de simples citoyens des mellahs vaquant à leurs occupation : travail du cuir, tailleurs, faiseurs d’objets de métal ou de cuivre. Chez eux, aucune sensualité, aucun attrait physique, mais seulement une volonté de vivre le temps présent en s’occupant. Par-ci par-là, en filigrane, à peine évoquée, on peut deviner une sexualité ambiguë masculine (homosexualité latente, rapports entre les hommes).
Ces œuvres ne font-elles pas foi d’une société basés sur un rapport binaire entre les sexes ? Pour les progressistes du 21e siècle, de quoi alimenter les discours sur la notion de misogynie, phénomème qui n’a pas fini de susciter les débats. Une fois devant ces toiles inestimables, grandioses, survoltées, mais sincères et magnifiquement exécutées, nous devenons les participants passifs d’un dialogue qui s’établit entre nous-mêmes et le peintre. Les couleurs sont chaudes et invitantes, à l’instar du pays représenté. Le détail brille par sa signification symbolique, le moindre geste est une invitation à réagir et à participer.
Les tableaux de Benjamin-Constant, érotiquement cinématographiques, rejoignent et porte atteinte volontairement à notre psyché intime. Nous en demandons plus. Une fois les salles visitées (et parfois revisitées), nous franchissons l’extérieur, éblouis, changés, prenant conscience une fois pour toutes que l’art est la forme de représentation qui fait progresser le plus la société.
Mais il n’y a pas que la femme, il y aussi ce beau tableau qui montre l’empereur byzantin Justinien et celui de la jeune juive Sol Hachuel, martyre marocaine, aujourd’hui vénérée autant par les Juifs que les Musulmans du Royaume Chérifien.
Merveilles et mirages de l’orientalisme est une invitation au voyage, une quête de l’autre, de son semblable, de cet ensemble d’individus qui, par le biais de la peinture, propose un regard à la fois tendre, gracieux, austère, cruel, historique et sans aucun doute sage et penseur de la condition humaine.
À ne manquer sous aucun prétexte !
Au Musée des Beaux Arts de Montréal (MBA), jusqu’au 31 mai 2015.
MISE AUX POINTS
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