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Eisenstein in Guanajuato

18 mai 2015

D’ÉROS ET THANATOS

Anne-Christine Loranger
CRITIQUE / Extrait

Eisenstein in Guanajuato tente de capturer le cinéaste soviétique à un moment de saisissante découverte personnelle en même temps que d’immense frustration professionnelle, lesquelles coïncident avec la perte de sa virginité à l’âge de 33 ans. Hilarant, percutant et inventif, ce nouvel opus montre Peter Greenaway à son meilleur. Certains diront à son pire…

Eisenstein in Guanajuato

Le visionnement de The Cook, the Thief, His Wife & Her Lover (Le Cuisinier, le Voleur, sa femme et son amant, 1989) nous avait laissés avec le sentiment d’avoir été pénétrés par un glaive de poésie. Les choses ne se sont (heureusement) pas améliorées depuis, l’œuvre de Peter Greenaway étant un chapelet d’îles baignées par les eaux bouillonnantes des fleuves Éros et Thanatos. Les grands navires prudes, bien-pensants ou sentimentaux s’y fracassent sur des récifs de trouble et d’ivresse. Tant mieux…

Tant mieux parce que, contrairement à beaucoup de grands noms, Greenaway (72 ans) trouve le moyen d’explorer le médium cinéma tout en tirant parti de ses expériences passées. S’il remet le lit de Nightwatching, de Prospero’s Books et de The Pillow Book au centre de l’action, il se renouvelle en délaissant ses travelling latéraux et en adoptant de larges travelling circulaires qui construisent la tension sur l’acte à venir. Car tout est là, tout aura lieu là, dans ce lit sur lequel Eisenstein (Elmer Bäck) saute et culbute, lieu de passage obligé selon Greenaway, entre l’Eisenstein des soulèvements populaires de La Grève(1924), Le Cuirassé Potemkine (1925), Octobre : Les dix journées qui ébranlèrent le monde (1927) et celui des destinées marquées par les choix et combats individuels d’Alexandre Nevski(1938) et d’Ivan le terrible (1944 / 1946).

Texte complet : Séquences (nº 296, p. 3-5)

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