14 août 2015
C’est auréolé des Goya du meilleur film et du meilleur réalisateur (l’équivalent aux César français ou aux Oscar hollywoodiens) que nous parvient Anatomie d’un double crime, du cinéaste espagnol Alberto Rodriguez. De belle facture, ce polar est une œuvre trouble marquée par des références principalement américaines qui ne s’écarte pas des codes du genre avec son intrigue aux ramifications complexes et son duo de flics torturés.
Dès les premières images – superbes vues aériennes de la topographie très spéciale des marais du Guadalquivir – nous sommes immergés dans un dédale psychologique qui devra faire la lumière sur la disparition de deux adolescentes. Si Rodriguez utilise fort à propos des lieux effrayants et labyrinthiques comme symbole de l’enfermement intérieur et extérieur de ses héros, il les confronte aussi à l’Espagne post-franquiste. Dans une société dont les barrières morales sont encore bien présentes, le passé trouble de l’un d’eux ressort à la surface et influe progressivement sur le déroulement de l’enquête policière.
Cette évolution du flic supposé intègre permet au cinéaste de replonger dans un contexte sociopolitique très particulier qui donne sans contredit force et originalité au film. On y retrouve la prépondérance du non-dit, de la corruption des élites et de la violence des forces policières, mais on y ressent surtout la volonté du peuple espagnol de vouloir à tout prix se libérer de leur condition, soit par la fuite en avant (dans le cas des jeunes femmes), soit par la lutte ouvrière.
Malgré un rythme plutôt lent, la tension opère. Les nombreuses pistes convergent vers la fameuse isla mínima, terre fertile abritant d’immenses rizicultures, et point final de cette histoire anxiogène. Ces séquences ont toutefois tendance à vouloir trop satisfaire notre soif de comprendre en répondant hâtivement aux quelques questions qui restaient en suspens. Expéditive et sans mystère, la conclusion n’en demeure pas moins suffisamment glauque – à l’instar de toute l’enquête – pour garder intacte la tension, dans un film au demeurant fort réussi. En dehors de ce bémol, Anatomie d’un double crime offre donc un suspense psychologique efficace et bien construit qui parvient à transporter le spectateur dans un univers original. Une réussite indéniablement.
Genre : Suspense policier – Origine : Espagne – Année : 2014 – Durée : 1 h 45 – Réal. : Alberto Rodriguez – Int. : Javier Gutiérrez, Raúl Alrévalo, Jesús Ortiz, Nerea Barros, Antonio de la Torre, Mercedes Leon – Dist. / Contact : A-Z Films.
Horaires : @ Beaubien – Cineplex – Cinéma du Parc
CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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