20 août 2015
Pour son dernier opus, Bernard Émond fait appel à Anton Tchekhov afin d’y asseoir les propos de sa réflexion. Une banale histoire (1889) se transforme, entre les mains du réalisateur anthropologue et philosophe, en une introspection de fin de vie, alors que Nicolas se sait atteint d’un mal incurable. Spectateur de sa propre existence, non sans en établir le bilan, son départ imminent se présente avec fatalité. Impuissant devant le mal-être de Katia, sa fille adoptive, l’homme de science s’interroge. En nous prenant à témoin, le cinéaste impose un questionnement au cœur de la tourmente.
Encore une fois, Bernard Émond nous convie à un film lent où les personnages de Nicolas et de Katia sont en proie à de pénétrantes interrogations. En les observant évoluer et entrer en relation de manière très distanciée, on peut ressentir le mal de vivre qui les emprisonne dans une incommunicabilité typique aux êtres réfléchissant trop et agissant en retard. En narrant sa destinée, l’homme de science, convaincu de sa valeur jusqu’à ces derniers mois, prend une distance et tente de faire le point.
Cette façon d’opérer met le spectateur en marge de l’histoire et lui permet de constater la profonde détresse qui anime les derniers jours de Nicolas. Confronté au désespoir de Katia, il se rend compte de l’amour qu’il lui porte. Face au cynisme de Michel (Patrick Drolet), professeur en communications et ami de Katia, il s’insurge et tempête, persuadé de la prégnance de la vie. En actualisant la nouvelle de Tchekhov, Bernard Émond statue sur la pérennité du propos de l’auteur slave. Il en profite pour y ajouter ses propres réflexions sur la société actuelle qui, malgré ses innombrables percées technologiques des 20e et 21e siècles, n’a pas évolué quant aux relations et à la communication interpersonnelles.
Tout comme dans le roman de Daniel Pennac Le journal d’un corps, on y autopsie la vie, on en scrute les mouvements et les décisions, sans pour autant détenir un pouvoir réel sur la finalité. S’accordant aux quatuors de Chostakovitch, les images, d’une éloquente sobriété, respectent l’univers feutré de l’intellectuel, ses incursions dans la nature, ses déambulations empreintes de pensées et de questionnement. La mise en scène pondérée relève de la maîtrise d’Émond à poser un regard sur ce qui doit être dit et entendu. Ainsi transposé, Tchekhov peut dormir en paix.
Genre : Drame psychologique – Origine : Canada [Québec] – Année : 2015 – Durée : 1 h 22 – Réal. : Bernard Émond – Int. : Paul Savoie, Marie-Ève Pelletier, Marie-Thérèse Fortin, Ariane Legault, Patrick Drolet, Daniel Parent – Dist. / Contact : Séville.
Horaires : @ Beaubien – Cineplex
CLASSIFICATION
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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