18 septembre 2015
Est-il nécessaire de rappeler l’argument de cet opéra parmi les plus populaires du répertoire classique ? Nous sommes à Nagasaki, au début du XXe siècle, soit en 1904 pour être plus précis. De passage dans cette ville du Japon, moyennant la somme de 100 yens, le jeune offiicer américain Benjamin Franklin Pinkerton épouse une geisha, Cio-Cio San (ou Madame Papillon). La jeune femme en question prend cet idylle au sérieux. Mais Pinkerton doit repartir, faisant la promesse de retourner. Durant son absence, Cio-Cio San refuse des propositions de mariage, voulant rester fidèle au bel officier. Et puis, c’est l’histoire éternelle de l’abandon et de la trahison.
Le mélodrame sentimental a ces codes tout autant dans les spectacles sur scène qu’au cinéma. Aux XXIe siècle peuvent-ils être déconstruits pour mieux suivre l’évolution de la société ? Quoi qu’il en soit, dès la montée du rideau, le décor unique de cet opéra en deux actes impose son classicisme et annonce sa mise en scène, pour le moins conforme à la tradition. On sent dès le départ que François Racine est pris dans le feu de l’action, oscillant entre une mise en scène codifiée et orthodoxe et l’audace d’aller plus loin. Face au confort de la convention, il poursuit son petit bonhomme de chemin en proposant une Madama Butterfly honnête, n’osant pas perturber l’ordre établi et le spectacteur (nostalgique) par des innovations subversives.
Cela se comprend. Madama Butterfly inaugure la saison 2015-2016 de l’OdM en affichant avec fierté un succès aux guichets. Les représentants des médias, pour la plupart, ont dû assister à la générale (plus spécifique en anglais sous l’appellation de dress rehearsal). Les clics des photographes nous ont fait grincer des dents au tout début, mais nous nous sommes habitués.
C’est donc à une Madama Butterfly amoureuse jusqu’à la mort que nous assistons. La soprano américaine Melody Moore croit au personnage et essaie de lui donner autant de corps et d’âme pour nous faire croire au personnage. Mais son physique imposant ne permet pas d’y adhérer totalement. Elle ajuste son jeu au cours du spectacle, ravivant un tant soit peu notre intérêt. Côté diction, on sent le grand besoin d’ajuster les vocables de la langue italienne. Sur ce point, les surtitres aident énormément.
À notre avis, autant dans leur jeu que dans leur voix, Morgan Smith (Sharpless) et Allyson McHardy (Suzuki) l’emportent, et de loin. Deux présences remarquables, deux chanteurs au diapason de leur art. Et que dire de Pinkerton ? Nous avons été décus par l’absence du Grec Demos Flemotomos, apparemment indisposé (il ne défendra son rôle que les soirs des 24, 26 et 28 septembre prochain). À en juger par ses quelques prestations vus sur Youtube, le baryton/ténor se surpasse.
C’est le Québécois Antoine Bélanger qui le remplaçait hier soir et le fera demain soir, ainsi que le 22 septembre. Si l’on tient compte que c’est quasiment à pied levé qu’il succède à son confrère, force est de souligner qu’il se défend du mieux qu’il peut, soulignant parfois à gros traits un personnage assez peu sympathique, mais bien entendu, essentiel.
Reste donc un premier spectacle de la saison 2015-2016 de OdM qui suscitera l’affection sincère de la majorité des spectateurs, surtout lors du passage des airs connus, comme le célèbre Un bel di vedremo, avouons-le, fort émouvant.
Compositeur : Giacomo Puccini, inspiré de la pièce de David Belasco, d’après l’histoire de John Luther Long – Livret : Giuseppe Giacosa, Luigi Illica – Direction musicale : James Meena / Orchestre Métropolitain ; Chœur de l’Opéra de Montréal, sous la direction de Claude Webster – Mise en scène : François Racine – Décors : Roberto Oswald – Éclairages : Anne-Catherine Simard-Deraspe – Costumes : Anibal Lapiz – Chanteurs / Interprètes : Melody Moore (Cio-Cio San), Antoine Bélanger / Demos Flemotomos (Pinkeron), Morgan Smith (Sharpless), Allyson McHardy (Suzuki), ainsi que James McLennan, Christopher Dunham, Miklós Sebestyén | Durée : 2 h 45 (incluant 1 entracte) | Représentations : 19, 22, 24, 26 et 28 septembre 2015 – 19 h 30 / Place-des-Arts (Salle Wilfrid-Pelletier).
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ]
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