3 novembre 2015
En quelque sorte, le groupe en question se détache du célèbre Groupe des Sept qui, par son idéologie politique, son engagement artistique précis et son projet militant, reçoit, jusqu’à nos jours, des accolades et une reconnaissance des critiques et du public. Et pourtant, force est de souligner que ces peintres inconnus de la mouvance Beaver Hall signe des œuvres fort intéressantes, candides parfois, sincères, sans objectif bien précis, même si au fond, des intentions semblent se cacher, comme le fascinant Nu dans l’atelier (1933) de Lilias Torrance Newton.
Ils sont sans doute des oubliés de l’art pictural qui, signe du temps, se terrent dans l’anonymat. Chose incroyable, parmi ces peintres : des femmes affichent leurs couleurs. L’Art Déco venu d’Europe les inspire, comme d’ailleurs diverses autres formes de la peinture. La ville est pour eux un musée et plus particulièrement un territoire urbain pour la création. Mais il n’ont pas accès à l’establishment muséal.
Ils créent par plaisir, pour la satisfaction de manier le pinceau. Et ce qui fascine également dans ce mouvement, c’est la relation qu’il entretient avec la musique du moment, le Jazz, venu d’ailleurs et dont Montréal devient une plaque tournante. L’instinct triomphe, la création n’est plus un art essentiellement lucratif. L’imagination n’a plus de limites.
Les tableaux montrés dans l’exposition Une modernité des années 1920 : Montréal, le Groupe de Beaver Hall sont issus de collections privées. Le règne éphémère de ce mouvement (1920-1923) s’individualise par la suite et finit par se confondre dans l’oubli. Nous avons donc l’unique occasion de voir ces créations fugaces, d’un temps restreint, que seuls quelques chanceux possèdent. L’exposition leur rend un hommage et rendent ces peintures inestimables. Il s’agit d’un trésor de l’art urbain montréalais d’une époque avant-gardiste.
Ils ont pour nom Nora Collyer, Emy Coonan, Adrien et Henri Hébert, ou encore Prudence Heward, Randolph S. Hewton ou, entre autres, Edwin Holgate. Ils méritent notre entière adhésion. Leurs propositions sont à la fois étonnantes et brillent par leur originalité, innée, multiforme. Les artistes ne cherchent pas la gloire, ils créent pour créer.
Comparée à d’autres expositions, la viste du Groupe de Beaver Hall est plus courte, mais la sensation est d’autant plus émotive puisqu’il s’agit de présences presque fantomatiques, revenant à la surface le temps d’une courte visite.
Les couleurs vives s’opposent aux plus sombres, sans tomber néanmoins dans le pessimisme ou la déprime ; la lumière est diffuse ; la technique est maîtrisée ; intentionnellement le pinceau glisse parfois dans de nombreuses directions ; l’intention est franche, instinctive, souvent même émotionnelle et ambitieuse.
Une occasion en or de découvrir le caché, l’oublié, le singulier. Pour une simple et bonne raison : lui donner finalement la place qu’il mérite dans l’art de la représentation. À l’occasion de cette exposition, le Musée des Beaux-Arts de Montréal propose également des conférences, des atelieurs et des films tournant autour du même thème.
Pour renseignements : MBA. Jusqu’au 31 janvier 2016.
ILLUSTRATIONS
© MBA — Photos prises par George Georgis lors de la visite de l’exposition après la conférence de presse.
COTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ]
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