En couverture

Rencontres internationales du documentaire [.18]

13 novembre 2015

Luc Chaput
FESTIVAL

FAMILLES ET LIEUX

Une femme accompagne une cinéaste dans la découverte des ruines de l’université située dans le bois de Vincennes à l’est de Paris. L’une est la fille de Gilles Deleuze auquel le film est dédié, l’autre Claire Simon fut l’élève de ce philosophe qui écrivit de nombreuses pages éclairantes sur le cinéma. Dans ce Bois dont les rêves sont faits, la réalisatrice rencontre des passants, des habitués de tous ordres et professions qui animent de jour comme de nuit ce grand espace public. Un biologiste, responsable de la bonne marche de ce milieu naturel, explique certains phénomènes qui font de ce parc un lieu plein de vitalité diverse. On peut reprocher à Simon de ne pas avoir inclus la Cartoucherie et sa compagnie dirigée par Ariane Mnouchkine qui fit rêver tant de spectateurs par sa manière différente de faire du théâtre.

Allende, mi abuelo Allende

À l’ombre d’Allende

Un très vieux couple sud-coréen vit à la campagne très humblement. Ils continuent à se taquiner et à prendre plaisir à la vie alors que les faiblesses les assaillent. Le réalisateur Mo-Young Jin, pour My Love, Don’t Cross that River, a glané aussi, depuis de nombreuses années, des images de réunions familiales où la piété filiale se déploie. Certains épisodes sont plus dérangeants dans cet hymne à l’amour matrimonial qui dure depuis soixante-seize ans et qui continue même dans l’au-delà. Une musique, trop sirupeuse par moments, agace alors que les images et le montage nous comblaient.

My Locve, Don't Cross that River

My Love, Don’t Cross that River

Dans un plan frontal, deux cousines sont assises et l’une déclare qu’elle a des photos familiales que personne d’autre n’a vues. Marcia Tambutti, la réalisatrice est interloquée et la traque du passé de la famille du président Allende prend alors une autre tangente. Ce travail de longue haleine d’une des petites-filles de ce président déposé par un coup d’état le 11 septembre 1973, contient un tel kaléidoscope de moments charmants ou désarçonnants que l’on peut approuver le fait que À l’ombre d’Allende (Allende, my abuelo Allende) ait gagné à Cannes l’Oeil d’or du documentaire.

No Home

No Home

Une cinéaste parle à sa mère sur Skype. Elle est comme souvent en déplacement. D’ailleurs, le documentaire de Marianne Lambert sur cette cinéaste récemment disparue, aussi présenté à ces Rencontres, s’intitule I Don’t Belong Anywhere. Chantal Akerman dans No Home Movie oppose les plans de l’appartement de sa mère à Bruxelles aux nombreux travellings sur des routes désertiques non identifiées. L’histoire de la famille est racontée par bribes par une mère affaiblie. La bonne, d’origine hispanophone, dans une séquence à la table de cuisine, ne semble pas comprendre les malheurs qui ont frappé la famille il y a plus de soixante-dix ans. Le temps qui passe et les non-dits s’insèrent par à-coups dans cet ultime portrait familial de Chantal, compagnon de News From Home.

Les Rencontres rendent aussi hommage au documentariste californien Thom Andersen, devenu célèbre il y a plusieurs années pour son Los Angeles Plays Itself. Les droits des extraits de films rendaient difficile la présentation hors festivals de cet exploration du lien entre Hollywod et la ville qui l’habite. On peut maintenant aussi le voir en dvd ou sur Internet. Le festival focalise aussi par ailleurs sur les photographes-cinéastes avec des œuvres majeures comme Opéra-mouffe d’Agnès Varda ou Muhammad Ali the Greatest de William Klein. Voilà donc quelques-unes des œuvres visibles dans ce festival qui atteint déjà sa 18e édition.

Le Bois dont les rêves sont faits

Le Bois dont les rêves sont faits

2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.