MULTIPLES REGARDS
SUR NOTRE CINÉMATOGRAPHIE

Texte : Luc Chaput

Les RVCQ en sont à leur trente-quatrième année. Ils permettent à certains de voir ou revoir des films dont Séquences a parlé dans ses numéros papier et les a mêmes mis en couverture comme Corbo ou Les êtres chers. C’est aussi l’occasion de rencontrer des créateurs et des artistes ou artisans de notre cinéma soit en salle ou lors d’événements à la Cinémathèque. Des entrevues ou des rencontres auront ainsi une diffusion web cette année grâce à l’initiative des quatre écrans. De nombreux courts et longs auront ainsi droit à une première mondiale ou régionale. Nous reviendrons dans les prochains mois sur ce site ou dans la revue sur plusieurs de ces nouveaux films.

Quand ferme l’usine

Parmi ces nouveautés documentaires, nous avons ainsi pu voir Quand ferme l’usine de Simon Rodrigue. Utilisant les archives de l’ONF, le réalisateur montre la place que l’industrie forestière avait au Canada spécialement dans le cas des pâtes et papiers. Les journaux américains venaient s’y approvisionner. La restructuration et diverses crises ont entraîné l’optimisation dans certains endroits et la fin dans d’autres. Dans ce moyen métrage promis à une belle diffusion en régions, Rodrigue interviewe des travailleurs d’une usine du Québec, d’une ville du Nord de l’Ontario et d’une autre du Nouveau-Briunswick. Les emplois y étaient alors stables et possibles pour plusieurs générations jusqu’à ce que le sol se dérobe sous leurs pieds. Habituellement rencontrés en groupe, ces hommes se relancent l’un l’autre et montrent une lucidité face à la situation de leur communauté. Cette lucidité est souvent arrivée après de graves désillusions. Le cinéaste, auteur d’un film sur une autre partie de la chaine de production Hommes-des-Bois : Bûcherons de chantier, termine son film sur le témoignage plus optimiste de Jean-Guy Comeau, porteur d’une sagesse ancestrale, sur la gestion contrôlée des lots boisés.

Le chant des étoiles

Après Le cosaque et la gitane, portraits de témoins du passé pluriculturel de l’Abitibi, Nadine Beaudet nous offre avec Le chant des étoiles d’accompagner pour plus d’une heure un couple soudé par l’amour depuis plus de cinquante ans et par leur passion commune pour les astres et la musique. La réalisatrice a eu un accès privilégié auprès de Gilles et Margo Beaudet puisqu’ils sont ses oncle et tante. Gilles est cofondateur de l’observatoire du Mont-Mégantic et astrophysicien reconnu. Margo continue de diriger une chorale d’enfants. La cinéaste soutenue par la lumineuse photographie de Christian Mathieu Fournier et le précis travail au son de Benoît Dame et de la cinéaste place aussi en filigrane l’amour de la nature sous toutes ses formes dans cette œuvre où le rire et les voix des enfants agissent en contrepoint à celles des adultes ou des personnes encore plus âgées.

The Indian Space Opera

Si l’astronomie est un des centres primordiaux d’intérêt de Gilles Beaudet, d’autres pays voient dans la course à la conquête spatiale un moyen de s’affirmer sur le plan international. Voisine et rivale de la Chine, l’Inde a ainsi constitué depuis1969 sous l’égide du Dr Vikram Sarabhai, l’ISRO, un programme ambitieux de ce type. C’est bien l’envers de la médaille que Korbett Matthews nous montre dans The Indian Space Opera. Parcourant ce sous-continent des contreforts de l’Himalaya aux rizières et aux zones désertiques, le réalisateur et sa petite équipe glanent de nombreux témoignages souvent prenants sur les très mauvaises conditions de vie de la majorité de ses habitants. La politique gouvernementale agricole semble inexistante pour ces innombrables villages La multiplicité des langues employées amènent à de nombreux sous-titres en anglais qui passent quelquefois trop rapidement. La qualité de photographie du réalisateur et de ses confrères transmet aussi la grandeur de ce pays où la beauté et l’horreur vivent côte à côte. L’importance du Gange et de sa survie dans cette période de bouleversements climatiques ressurgit au fil des scènes où le rapport direct avec l’eau régénératrice est mis en valeur.

Ouvert avec Boris sans Béatrice de Denis Côté et se terminant avec Avant les rues de Chloé Leriche, les rendez-vous permettent encore une fois des regards diversifiés sur notre cinématographie.