11 mars 2016
Pour sa 34e année, en cette fin d’hiver plus doux que d’habitude, on retrouve à Montréal le Festival international des films sur l’art qui propose un panorama plutôt complet de la production cinématographique mais souvent en format télévisuel explorant les diverses formes artistiques. C’est sous le signe du changement dans la continuité que s’est amorcé ce festival avec la nomination d’une nouvelle directrice générale Natalie McNeil et la retraite en douceur annoncée du fondateur et grand manitou René Rozon. Encore une fois, cette manifestation propose des regards pluriels sur des personnalités et des histoires plus ou moins connues.
Tout d’abord, Les génies de la Grotte Chauvet est une docte incursion dans ce lieu hier inconnu de l’art préhistorique. Sa découverte obligea les experts à repenser certains paradigmes de leurs professions. La difficulté d’accès et la volonté de garder intactes ces œuvres d’art d’une trentaine de milliers d’années amena la construction d’une reproduction à l’identique de ces grottes dans un cadre modernisé. Le réalisateur Christian Tran alterne avec grâce les plans de visite de la grotte où les rencontres avec des universitaires permettent de mieux comprendre le lieu. Des artistes, plasticiens, architectes et autres artisans sont amenés ailleurs à reproduire ces coups de pinceau ou de griffe d’animaux sous l’œil acéré du peintre catalan Miquel Barcelò. Le voyage court dans le temps contient de nombreux moments chargés d’émotions diverses.
Le marché de l’art est source de multiples conflits et découvertes qui poussent les prix de certaines œuvres vers des montants vertigineux. Par le biais de l’affaire Cornelius Gurlitt du nom de cet Allemand longtemps anonyme chez qui, à Munich, l’on découvrit en 2012 de nombreux trésors volés par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale, Stéphane Bentura revient sur les débuts du régime nazi. Les réseaux de Marchands d’Hitler, dont faisait partie Hildebrand Gurlitt, le père de Cornelius, permirent aux conquérants d’alors de s’approprier de vile manière ces collections qui faisaient la joie de nombreux galeristes ou collectionneurs privés des pays occupés. Si certaines des démarches sont connues à cause de films de fiction incomplets comme Monuments Men de George Clooney, on est étonné d’apprendre que des lois du régime hitlérien n’ont pas encore été abrogées alors qu’elles perpétuent l’injustice. L’enquête est bien menée et ouvre ainsi d’autres questions sur cette affaire.
Herman Daleb est un radiologiste belge qui s’intéressa à l’art conceptuel à partir des années 70 et monta un répertoire d’œuvres souvent minimalistes. Le personnage a des opinions assez arrêtées sur les musées et la visibilité des objets dans cette Collection qui n’existait pas et qui pourtant est maintenant au MOMA depuis 2011. Le cinéaste belge Joachim Olender suit Daleb dans ses pérégrinations bruxelloises et new-yorkaises en ménageant des rencontres avec des artistes ou des historiens de l’art qui mènent à des échanges fournis sur la notion d’art, d’éphémère et de persistance.
Dans la section 7e Art, Philippe Kohly réussit un portrait assez complet d’Alain Delon cet inconnu par une belle utilisation d’archives et d’entrevues que l’acteur-producteur-réalisateur a données au fil des ans. La présentation des sœurs Clara & Julia Kuperberg de Los Angeles Film Noir donne envie de voir ou revoir certains films comme Criss Cross ou Out Of the Past car les interventions de James Elliot et collègues y sont passionnées et quelquefois contradictoires. Le festival a bien entendu raison de rendre hommage au cinéaste québécois Jacques Giraldeau par la présentation de L’ombre fragile des choses. Le FIFA lui décernait déjà en 1995 un prix pour l’ensemble de son œuvre qui accompagna de si belle manière les artistes de son temps et de son milieu. Le festival comprend aussi de nombreux événements et rencontres qui permettent de prolonger l’expérience cinématographique.
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