23 juin 2016
RÉSUMÉ SUCCINCT
Ramanna, tueur en série, en veut au policier Raghavan, celui qui veut l’arrêter coûte que coûte. Les deux ont des raisons qui pourraient s’avérer similaires.
Auteur du remarquable film-fleuve Gangs of Wasseypur (Séquences, nº 300, p. 32) et, entre autres, du très raffiné Bombay Velvet (2015), Anurag Kashyap, à l’instar de son compatriotre Sanjay Leela Bhansali, est un cas de figure remarquable dans le cinéma bollywoodien. Tout en préservant le code-chant à son strict minimum selon une approche tout à fait bien fondée, son cinéma est une mise en perspective du plan, du cadre, du rythme et de tout ces éléments qui composent l’aventure filmique.
Références cinéphiliques à l’appui (Scarface de De Palma pour Bombay Velvet), il rend ici un hommage stupéfiant et respectueux au giallo et au serial killer avec une dextérité remarquable. Grâce notamment à la présence exceptionnelle de Nawazudding Siddiqui, vu récemment dans Te3n (2016), Raman Raghav 2.0 demeure, en plus d’un exercice de style magnifiquement construit, un film où la narration tient sur un délicat fil de fer, prêt à céder à n’importe quel moment. Et comme par magie, en raison d’une mise en scène alerte qui refuse les temps morts et les invraisemblances, l’ensemble fonctionne avec, comme résultat, une proposition singulière et divertissante à souhait.
Il n’est pas surprenant que Raman Raghav 2.0 ait été programmé à la Quinzaine des réalisateurs au récent Festival de Cannes car Kashyap est une cinéphile obsédé; la caméra n’est plus pour lui un outil quelconque de captation d’images, mais un personnage à part entière qui traque, dans ce cas-ci, des anti-héros qui ont perdu leur âme dans une grande métropole tentaculaire. Point de rédemption, point de salut pour les personnages kashyapiens. Le destin décide pour eux.
Mais avant tout, Raman Raghav est une question posée aux spectateurs : qui est vraiment coupable, l’assassin ou son bourreau? À partir d’un fait divers lugubre (le film s’inspire du cas d’un serial killer qui aurait assassiné 41 personnes dans les années 60), le film de Kashyap est une course contre la montre en même temps qu’une profonde interrogation sur la nature du mal. Chose à laquelle le cinéaste ne répond pas, intentionnellement, par abnégation, sollicitude, refus de juger… Dans une séquence anti-freudienne où le coupable et le flic discutent sereinement sur l’affaire en question, le plan, à un moment, montre avec une sensualité dévorante, la complicité tacite et presque incestueuse qui se fait entre ces deux personnages. C’est troublant, magique, d’une puissante force d’évocation.
Le film est construit en chapitres précis, comme s’il s’agissait d’un livre animé sur la nature humaine à l’intérieur duquel de nombreux points de repère à d’autres cinéastes se révèlent aussi justes que superbement illustrés. Somme toute, Anurag Kashyap appartient à une nouvelle génération de cinéastes bollywoodiens qui changent le système avec un courage déconcertant, tout en ayant un respect réciproque envers le spectateur.
Les malencontreux hasards de la distribution font qu’il n’y a jamais eu de projections de presse pour les films Bollywood, empêchant la critique de découvrir, de temps en temps, des films exemplaires. Quoi qu’il en soit, ce deus ex machina de l’enfer ici-bas est à voir absolument. Nous ne serions pas étonnés que Raman Raghav 2.0 se retrouve dans la programmation de Fantasia. Sur ce point, Séquences aura pris de l’avance.
Genre : THRILLER – Origine : Inde – Année : 2016 – Durée : 2 h 07 – Réal. : Anurag Kashyap – Int. : Nawazuddin Siddiqui, Vicky Kaushal, Sobhita Dhulipala, Mokesh Chhabra, Anuschka Sawhney, Vipin Sharma – Dist. / Contact : Imtiaz Mastan.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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