En couverture

Fontaine

22 septembre 2016

PERFORMANCE
★★★★
Texte :  Élie Castiel

TERRITOIRES INTERDITS

L’endroit : Le Bleury-Bar, à Montréal. L’auditoire : une cinquantaine de personnes, peut-être un peu plus. L’événement : le comédien Marc-André Casavant se donne corps (surtout) et âme au cours d’un quasi-solo insolite, jubilatoire, insolent, déstabilisant, s’attaquant à l’ordre établi, non pas par pure provocation, mais pour faire réfléchir, pour contrecarrer le malaise ambiant en matière de sexe et de relations humaines.

fontaine

Marc-André Casavant et Marine Pioch (PHOTO : © Sébastien Roy)

Presque 60 minutes au cours desquelles le performant explore la psyché humaine dans tout ce qu’elle cache d’interdits : sexuels, sociaux, politiques… et tout ce qui a rapport à l’existence. Fontaine, c’est le titre du spectacle, comme dans le dicton Fontaine, je ne boirai pas de ton eau, mais que Casavant transforme en un road-play personnel qui carbure à coups d’allusions à la masturbation, la fellation, la pénétration et autres pratiques sexuelles qui se font, mais ne se disent pas.

La scène n’est plus le lieu qui divise l’auditoire de l’artiste, mais elle est partout, dans la salle, dans l’arrière-scène, voire même à l’extérieur du Bar. On suit Casavant ou on préfère rester assis. Durant la performance, il fait appel aux spectateurs. Il dérange, mais par un tour de magie qui peut s’expliquer par la qualité du texte (très bien morcelé en portions de bravoure), on sent une sorte de mélancolie de l’existence, un mal de vivre qui se traduit par des gestes provocants, des paroles volontairement mal intentionnées, des éclats percutants et, en fin de compte, un courage indomptable qui débanalise la vie.

On sort de cette transe inusitée le cœur lourd, mais l’âme
remplie et sereine, comme s’il s’agissait d’une cure de
désintoxication qui approche l’âme plus près du corps.

Vers la fin, il dira aux spectactateurs qu’en matière de sexe, ils n’ont rien à craindre (car tout est caché), mais qu’en matière d’humanité, cette qualité semble perdue. On sort de cette transe inusitée le cœur lourd, mais l’âme remplie et sereine, comme s’il s’agissait d’une cure de désintoxication qui approche l’âme plus près du corps.

Le personnage, homme et femme, androgyne, autre sans doute… pose finalement la question fondamentale sur la notion de genre et ses multiples manifestations. Qui sommes-nous ? Sur ce point, le travail minutieux de maquillage de Marine Pioch excelle, elle-même faisant partie du cette expérience surréaliste au premier degré, se pliant avec dignité aux exigences de l’artiste.

Le classement « interdit aux moins de 18 ans » est de rigueur, cela ne fait aucun doute, mais force est de souligner que de par son côté hybride et hétéroclite, Fontaine soulève un tas de questions existentielles sur la civilisation occidentale actuelle, prise entre un égocentrisme exacerbé et la peur néfaste du rapprochement à l’autre. En somme, Discosalope (c’est son nom de scène pour ce spectacle) n’a pas dit son dernier mot.

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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