CRITIQUE /
THÉÂTRE
★★★★
Texte : Élie Castiel

Steve Laplante et Marie-Chantal Perron (PHOTO : © François Laplante Delagrave)

L’INDÉCHIFFRABLE
UTOPIE DU COUPLE

Au Québec, du moins selon nos observations, nous n’avons jamais eu l’occasion de voir la version cinématographique de La liste de mes envies, réalisé par Didier Le Pêcheur (du très remarqué Des nouvelles du Bon Dieu (1996), aujourd’hui plus proche de la télé.

Le roman du Français Grégoire Delacourt contient assez d’ingrédiends sur la nature humaine, sur le pouvoir de l’argent, le sens de l’amitié, l’amour sincère, la trahison, la naïveté… enfin toutes ces tracesseries qui rendent la vie meilleure ou pire.

L’adaptation théâtrale de Maryse Warda donne à la langue d’ici un charme inébranlable, une musicalité vive et dynamique, sans compter tous ces jeux de mots incomparables. Gagner une somme d’argent considérable grâce au loisir de la majorité silencieuse depuis des années : la lotorie, mais le taire au nom de l’amour, de l’inconscience peut-être, pour l’annonce au bon moment. Et puis, une trahison…

Tammy Verge et Anick Lemay (PHOTO : © François Laplante Delagrave)

Le théâtre populaire assume ici sa grandeur grâce à un dialogue direct, sans ambages, mais qui derrière ces fausses facilités, cache une vision de la condition humaine filtrant entre réalisme et optimisme utopique ; mais à voir de plus près, ce sont toutes les couches de la sociét qui sont en cause dans ce récit sur le pouvoir de l’argent, du partage et de la vie de couple.

Grâce à ses mots magnifiques, la version québécoise garde un bel accent de mélancolie qui atteint l’âme dans les moments les plus attendrissants, notamment lorsque Marie-Chantal Perron prend la parole ou pose des gestes d’un naturel émouvant qui ne peut nous échapper. Il s’agit là d’une grande comédienne, changeant soudainement de registre lorsque le moment l’impose, apportant à son métier une douce connivence morale et éthique. Elle est entourée de quatre autres artistes de scène dont la force de conviction entraîne les spectateurs dans un déjà-vu naturellement utopique et paradoxalement authentique.

Mais La liste de mes envies est surtout un inoubliable moment de théâtre qui, sans que nous dévoilions les détails du dénouement, montre l’individu dans son entité la plus révélatrice, prenant en compte la réalité de la vie malgré les nombreux obstacles, et situant les rêves utopiques dans le royaume des possibles.

Marie-Chantal Perron (PHOTO : © François Laplante Delagrave)

La liste de mes envies est un grand texte littéraire grand public, mais aussi une adaptation théâtrale québécoise qui bénéficie d’un sens inné du tragique et du comique et montre un respect inconditionnel envers les protagonistes. C’est aussi grâce à la mise en scène jouissivement survoltée de Marie-Thérèse Fortin, entièrement dédiée à son art, en même temps douce, capricieuse, rêveuse et amoureuse de la vie et qui, malgré les apparences souvent trompeuses, donne au couple et au célibat, même non voulu, une touche de romantisme aussi suranné qu’humainement cruel. Chapeau !

Texte : Grégoire Delacourt (roman) – Adaptation : Maryse Warda – Mise en scène : Marie-Thérèse Fortin – Décors : Geneviève Lizotte – Costumes : Elen Ewing – Éclairages  : Julie Basse – Concept sonore : Colin Gagné – Concept vidéo : Sébastien Gros –  Comédiens  : Marie-Chantal Perron (Jocelyne), Steve Laplante (Jocelyn), Marc Legault (père de Jocelyne), Anick Lemay (Lucie / journaliste), Tammy Verge (Luce / psychologue) – Production : Juste pour rire spectacles – Présentateur : RBC | Durée : 1 h 30 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 12 novembre 2016 – Théâtre du Rideau Vert.

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ [Entre-deux-cotes]