20 octobre 2016
L’élaboration de l’affiche du film n’est pas seulement un simple exercice de style, mais renvoit à un des thèmes fondamentaux du film : le silence. Silence, pour la femme, d’exprimer sa pensée, mutisme devant la colonisation israélienne, sensation soudaine d’aphasie devant le machisme ambiant.
Mais à y voir de près, c’est la jeune femme qui met sa main sur la bouche de son amoureux, montrant en quelque sorte une certaine libération presque rêvée. Ou l’est-elle ? Le père de Layla l’a élevée à la moderne ; il lui apprend à conduire sans que sa mère le sache ; elle a un cellulaire et fréquente l’Université local auprès de collègues juifs israéliens.
Mais elle n’est pas Palestinienne et ses problèmes, qu’elle partage avec ses semblables, des Bédouins qui ont, eux aussi, leurs histoires à raconter, deviennent la métaphore d’une quête féminine pour acquérir des droits. L’Islam traditionnel et sa culture ne le permettent pas. Ainsi, Sand Storm affirme son engagement politique imprégné d’un courage intransigeant et d’une honnêteté viscérale.
L’Israélienne Elite Zexer signe ici un premier long métrage de fiction qui, faisant fi du cinéma national non engagé, poursuit avec une force de conviction les préceptes d’un Amos Gitaï ou bien encore d’un Avi Mograbi, lui plus radical. Elle sculpte l’espace et les personnes qui y évoluent ; ces marches en forme de pneus pour monter la pente d’un village bédouin sont le reflet de l’effort quotidien ; sans oublier le manque d’eau chaude, d’électricité. Viles conditions de vie qui, malgré tout, laisse ce peuple résigné.
Aucun soulèvement contre le pouvoir israélien, mais une révolte consciente contre les règles strictes du patriarcat et d’un machisme qui se perd dans la nuit des temps. D’une part, les objets, pour nous banals, de la modernité sont les bienvenus puisqu’ils facilitent la vie. Le cellulaire est un exemple frappant. Mais pour les parents, lorsqu’il devient dangereux en ce qui a trait aux choses intimes, les rapports changent d’une minute à l’autre.
La mise en scène de Zexer et rougeuse comme cet endroit sablonneux où une partie du désert a laissé la place à quelques « nomades » oubliés. La cinéaste, consciente de son acte de foi, juxtapose anthropologie et ethnographie, se souvenant des grands maîtres du genre. Entre fiction et (presque) documentaire, Sand Storm émeut autant qu’il provoque.
Devant les images qui traversent l’écran, les spectateurs n’ont d’autre choix que de réagir. Le vent qui caresse les vêtements tendus sur des cordes à linge cache ou selon les circonstances, dévoile ce qui s’agiste derrière la tête des personnages, notamment les femmes.
La mise en images devient ainsi une sorte de chorégraphie exploratoire. Comme si, mine de rien, sans crier gare, l’équipe de tournage s’était incrustée dans un territoire interdit et inaccueillant.
Cette expérience aussi sensorielle que visuelle nous permet de vivre un grand moment de cinéma, des images en mouvement qui racontent l’Histoire d’un endroit isolé du monde à travers la vie de quelques âmes perdues, et c’est par le grand bout de la lorgnette que Zexer exprime sa douleur, usant dans le même temps les armes persuasives du cinéma. En Israël, le conflit n’est pas seulement avec la Palestine, mais aussi avec autrui.
Genre : DRAME – Origine : Israël – Année : 2016 – Durée : 1 h 27 – Réal. : Elite Zexer – Int. : Lamis Ammar, Ruba Blal, Hitham Omari, Khadija Al Akel, Jalal Masrwa – Dist./Contact : Kino Lorber.
Horaires : @ Cinéma du Parc
CLASSEMENT
E/C
(Exempté de classement)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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