23 février 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
Fana du hockey, Max, la trentaine, regarde tous les matchs du Canadien avec ses amis. Quand sa conjointe Julie, se sentant de plus en plus délaissée, décide de le quitter, Max est obligé de réévaluer sa vie.
Avec pour sommet Grande Ourse et pour mentions honorables La vie, la vie et Cheech, l’œuvre de Patrice Sauvé se partage, comme pour de plus en plus de réalisateurs d’ici, entre l’univers télévisuel et l’univers cinématographique. Son plus récent long métrage constitue d’ailleurs une certaine synthèse entre le petit et le grand écran, entrecroisant la comédie du quotidien et le drame de circonstances.
La comédie, en l’occurrence, apparaît pour l’essentiel autour du personnage principal qu’interprète Louis-José Houde – humoriste dont chacun sait qu’il a la vertu de susciter le rire, non pas au moyen d’une vulgarité convenue, mais en explorant les petits faits irritants de l’expérience ordinaire. Les circonstances du film sont quant à elles les suivantes : un trentenaire, prénommé Max, reprend la boutique de hockey de son père et peine à boucler son budget. Passionné de hockey, il ne manque aucune partie ou presque, au point de négliger sa compagne.
Adapté du roman éponyme de Matthieu Simard, le long métrage de Patrice Sauvé a au moins le mérite de créer un fort sentiment d’identification entre les personnages et les spectateurs. Situant son histoire dans un passé récent, à une époque où le duo Halak/Price se disputait la place de gardien partant au sein des Canadiens de Montréal, Ça sent la coupe revisite avec bonheur quelques blagues que les amateurs de hockey auront eux-mêmes pu entendre dans le confort de leur foyer (tout particulièrement celle de « gros bonhomme Brunet », par référence à l’un des tics de langage de l’analyste Benoît Brunet). Sur le plan du propos, cependant, le film en fait à la fois trop et pas assez. Trop, parce qu’il souligne à grands traits des messages, pour la plupart rebattus et portant sur les obstacles liés à la communication, que le spectateur aurait pu avec aise comprendre autrement. Et pas assez, parce que les grands films ne doivent généralement pas se contenter de représenter le réel tel qu’il est à des fins autoréférentielles ; ils doivent aller subtilement au-delà des particularités du monde actuel, pour permettre au spectateur de prendre une petite distance critique par rapport à sa propre expérience vécue. Ce que ne parvient pas véritablement à faire Ça sent la coupe.
Il faut reconnaître en outre qu’il y a quelque chose d’assez racoleur à faire appel à Louis-José Houde pour incarner le personnage principal. La bonne nouvelle, malgré tout, est qu’il parvient à élargir son registre au-delà de la comédie et à convaincre que le drame peut aussi lui convenir. Sans doute, on rencontre ici et là dans le film les mimiques habituelles (rythme accéléré, voix aigüe…) auxquelles recourt l’humoriste pour mettre en relief quelques blagues, de même que certaines plaisanteries redondantes qui ont des airs de déjà-vu (une femme déguisée en infirmière, un homme qui fantasme sur la sœur-modèle de son ami) ; mais en dépit de ces quelques moments peu louables, on sent bien que Patrice Sauvé a souhaité s’écarter autant que possible de l’humour salace et mononcle auquel nous ont habitués des films comme Les Boys.
Le spectateur qui s’attendrait à retrouver dans Ça sent la coupe une esthétique léchée digne de Maurice Richard sera certes déçu. Ici, une attention somme toute minimale est accordée à l’image et à la mise en scène, mis à part peut-être pour le gros plan sur les yeux de Max, ou encore pour la séquence où ce personnage erre comme un spectre dans une ruelle, lançant des rondelles sur un mur pour contrer sa déréliction.
Le spectateur trouvera néanmoins dans le film de Patrice Sauvé une réflexion sur l’un des sens les plus profonds, mais trop peu souvent explorés, du hockey sur glace. Par l’usage d’intertitres qui associent explicitement une saison de hockey de la LNH à l’évolution des personnages, Ça sent la coupe ne fait pas que signaler l’attachement social des Québécois à un sport dans lequel on se dispute un petit morceau de caoutchouc ; le film donne à comprendre de quelle façon l’expérience humaine tout entière ressemble parfois à une partie de hockey, ou encore pourquoi l’être humain lui-même s’apparente bien souvent à un gérant d’estrade. En effet, le bonheur n’est-il pas largement conditionné par ce sur quoi nous n’exerçons aucun contrôle direct (tout comme l’amateur de hockey rit et pleure tour à tour devant une activité à laquelle il ne prend pas part), tandis que nous espérons pourtant avoir ne serait-ce qu’une petite influence sur notre monde, par des gestes plus ou moins maîtrisés, des encouragements, des commentaires, des critiques, des prières, des doléances, en privé ou dans les tribunes publiques – celles des médias et celles des stades ?
Genre : COMÉDIE DRAMATIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Patrice Sauvé – Int. : Louis-José Houde, Émilie Bibeau, Julianne Côté, Maxime Mailloux, Louis-Philippe Dandenault, Marilyn Castonguay – Dist./Contact : Séville.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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