16 mars 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
En 1967, Israël sort vainqueur, mais des milliers de ses citoyens Arabes sont installés dans les territoires occupés de Cisjordanie. Aujourd’hui, comment voit-on les choses des deux côtés de ce territoire ?
Des dix films réalisés par l’Israélien Shimon Dotan, né en Roumanie, Le sourire de l’agneau / The Smile of the Lamb / Hiuch haGdi (1985) nous a laissé un très bon souvenir, confirmant avec courage et détermination la nouvelle sensibilité d’un cinéma israélien multiple, dynamique malgré les éternels conflits militaires secouant le pays.
Le milieu cinématographique israélien, dans la majorité des cas, comme partout ailleurs, porte un regard critique sur sa politique interne ; nous en avons la preuve avec des cinéastes comme Amos Gitaï (icône à l’extérieur d’Israël), mais d’autres noms comme Nurith Aviv, dont il faut parfois déchiffrer avec délectation cinématographique le langage sybillin des plans, d’où sa formation initiale dans la direction photo et son regard de femme.
Ajoutons, cependant, que ces mêmes réalisateurs, brebis galeuses dans leur pays sont parfois la cible des organismes pro-palestiniens d’extrême gauche (« ce n’est que de la politique pour nous aveugler »). Comme on dit bien dans la langue de Shakespear Damned if you do, damned if you don’t.
Les critiques français ont ceci de particulier qu’en principe, ils ne donnent pas de détails sur les films (voir « résumé succinct »), s’en tenant essentiellement à la mise en scène ou à d’autres éléments filmiques. Il est clair que Shimon Dotan aime son nouveau pays (depuis 1959) et désire une paix équitable à deux états. Avec The Settlers, il confronte justement ces « colons » qui justifient leur présence dans les territoires occupés pour des raisons uniquement théologiques, mieux dit « bibliques ».
Soulignons aussi que la même idéologie domine, en partie, chez les Palestiniens. Est-ce un conflit de territoire, de religions cousines qui partagent certains rites mais se disputent une terre ancestrale ? Un an avant la proclamation de l’État d’Israël (1948), il y a eu la possibilité de diviser cet espace géographique, alors dominé par les Britanniques, en deux. Nous laissons Shimon Dotan répondre à cette question.
La mise en scène directe, limpide, montre un espace géographique où le soleil resplondit, s’opposant à une situation géo-politique gravissime qui secoue la planète. Car c’est là que se trouvent les origines des trois cultes monothéistes : Judaïsme, Islam, Chrétienté. Le cinéaste le sait très bien, mais se fait parfois prudent. Sauf dans un plan furtif, sans doute une erreur du directeur photo Philippe Bellaiche, on le verra de profil (pour ce qui le connaissent). Le reste, des questions courtes, directes, sans ambages, posées aux deux groupes qui s’entredéchirent, chacun donnant sa version des faits.
D’une certaine façon, Dotan se fait inconsciemment le porte-parole des Palestiniens par le fait-même de sa proposition. Beaucoup moins agressif que Gitaï, il opte pour une certaine pacification, mais ne rejette pas du tout un État israélien à l’intérieur de ses propres territoires (avant 1967, c’est la question qu’on se pose). Ce qui est clair, c’est bel et bien que les territoires occupés sont issus d’un mouvement apartheid évident. Il ne faut pas avoir peur de dire le mot. Une Afrique du Sud d’antan au Moyen-Orient. Et si les différents gouvernements israéliens avaient été dirigés par des Juifs issus de pays arabes, principalement du Maghreb, les choses seraient-elle différentes? Nous avons également posé la question à Shimon Dotan.
En presque deux heures, nous sommes les témoins d’un sempiternel conflit qui, par la force des choses, a créé des supporters des deux côtés, mais a aussi, en quelque sorte, généré une nouvelle forme d’antisémitisme, virtuelle, sans nom, inexplicable.
Quoi qu’il en soit, lorsque des oppositions territoriales s’arment, en partie, de notions issues de la religion, la paix ne peut sembler que de plus en plus éloignée. Avec The Settlers, Shimon Dotan signe un document percutant sur une situation insoutenable, quelles que soient nos idéologies et notre formation politique.
À quand le jour où un cinéaste palestinien comme, par exemple, Elia Suleiman, véritable poète des plans et de la narration fugitive, ouvre la possibilité de réconciliation par les images en mouvement ? Pour cela, il faudra sans doute attendre que « Bibi » foute le camp.
Genre : DOCUMENTAIRE – Origine : Canada / France / Israël – Année : 2016 – Durée : 1 h 46 – Réal. : Shimon Dotan – Dist./Contact : Filmoption.
Horaires : @ Cinémathèque québécoise – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.