6 avril 2017
Trois chorégraphes. Elles sont femmes et se font une idée particulière des corps, du mouvement, de l’expression gestuelle et de tout ce qui gravite autour de l’espace scénique à conquérir, pour le posséder, le temps d’une chorégraphie, et le placer au centre du monde. De beaux visages de danseuses et de danseurs, des physiques impeccables, d’un dynamisme envoûtant ; l’air, l’espace, l’auto-détermination sont autant de qualités qui n’ont plus de secrets pour elles et eux.
Cela se voit dans 16 + Room, où les artistes se sont joints à Emily Molnar, dirigeante du Ballet BC pour donner aux jetés, aux membres que sont les bras et les épaules, des alternatives, des secrets que l’on garde pour un temps, pour enfin les dévoiler aux yeux du public. C’est magique, et la musique de Dirk P. Haubrich ne fait qu’embellir ce morceau bien choisi pour ouvrir la soirée. Car il s’agit bien d’un ensemble, sans vedette, un geste démocratique à l’intérieur d’un espace de création qui ne l’est pas. Si un quelque geste improvisé se fait sentir, il n’en demeure pas moins qu’il a été longuement travaillé. La magie opère et le rideau baisse sur un tonnerre d’applaudissements bien mérités.
Puis, Brahms, le magicien, propose sa Sonate pour violoncelle et piano nº 1 en mi mineur op. 38 (Allegro non troppo), ainsi que sa Sonate pour violoncelle et piano nº 2 en fa majeur op. 99 (Adagio affetuoso) pour le Solo Echo de Crystal Pite. Morceaux sereins, gestes lucides, physicalités intérieures, une chorégraphie, à la limite, liturgique, qui, à aucun moment, ne sombre dans le pathos ou le mélo. Chez Pite, sans doute, c’est d’une approche religieusement-laïque s’il s’agit. D’où ce fond de scène sur une neige qui s’allonge à la toute fin, rassemblant l’humain à la force de la nature. Entre les danseurs et le décor, une constante complicité. Également, moment chorégraphique plus court avant d’amorcer la dernière partie, la pièce de résistance.
Elle a dansé pour la Bathsheva Dance Company, que nous avons récemment couvert, pour ensuite œuvrer ailleurs avec un succès retentissant. Bill, Sharon Eyal et Gai Behar l’ont créé pour l’amour de la danse, de la virtuosité, du divertissement et du rapport chorégraphe.s/spectateurs harmonieux. La musique entraînante d’Ori Lichtik nous conduit dans un monde si proche de nous et tout autant extradiégétique. Les participants sont dans la joie, celle de ne plus compter le temps, de se laisser aller au rythme de la musique. Dans un pays, Israël, où les questions d’ordre démographique, social, racial, territorial et politique sont quotidiennement remises en question, l’espace de création ne se laisse pas intimider. Justement, nous en avons la preuve avec Bill, œuvre profonde malgré sa légèreté, influente et d’une réconciliation rédemptrice des plus attendues. Revigorant.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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