6 avril 2017
Antigone, la Grecque, c’est le théâtre intime, comme toutes ces héroïnes antiques que sont Électre, Iphigénie, Phèdre ou Médée. Car leurs récits sont ancrés dans l’immédiateté des sentiments et de la famille. Histoires d’amour, d’inceste, de jalousie, de trahisons. C’est ce que les anciens philosophes-dramaturges nous ont légué. Le texte de Nathalie Boisvert situe Antigone dans un monde actuel, plus particulièrement à Montréal, même si la scénographie de Xavier Mary, triomphalement horizontale, faite de petites pierres, d’un banc en ciment et d’une sorte de rue ou passage fait d’asphalte qui renvoient à un certain décor de tragédie grecque qui brise le temps, rendant l’ensemble intemporel.
Il y a aussi la notion de la durée, un peu plus d’une heure. Assez pour raconter une histoire personnelle, et tout autant universelle. Antigone, Créon, Étéocle et Polynice sont présents, comme si le temps s’était arrêté. En elle et en toutes les femmes, brille la lumière de la sagesse ; eux, les hommes, se livrent à un jeu différent, là où pouvoir et domination font leur force. À la mise en scène, Frédéric Sasseville-Painchaud, assisté d’Olivier Sylvestre lance une intéressante proposition qui circule autour de l’abstraction : gestes souvent stériles, à d’autres moments plus appuyés, jouant avec les éclairages de Chantal Labonté comme dans un rapport de force qui finit par réunir ces deux éléments de la dramaturgie.
Et un début où le poignant Kirie eléison chrétien de Mykalle Bielinsky revendique sa foi vis-à-vis le pouvoir des Dieux d’une Grèce antique, souvent revenchards et jaloux. Mais les deux s’harmonisent pour forme un nouveau, réconciliant foi et laïcité. Frédéric Millaire-Zouvi compose un Polynice vaillant, charismatique, photogénique. Diction satisfaisante et complicité avec la scène et le public. Et puis Léane Labrèche-Dor, qui, le soir de la Première, nous obligeait à penser qu’elle a besoin de retravailler et le texte et le débit, même si elle croit fermement en son personnage. Mais c’est Xavier Huard, impeccable dans son Étéocle qui domine la scène. Adroit, posé, simple et sincère. Magnifiquement théâtral, il nous fait penser à un nouveau Benoît McGinnis qui ne devrait pas tarder à s’imposer. Il a la gueule de l’emploi et derrière sa touchante franchise, se cache un talent pleinement assumé.
Effectivement, une Antigone au printemps intéressante, lucide, toujour actuelle, qui confirme une fois de plus la nécessité d’un théâtre classique traditionnel ou modernisé. Peu importe, car tout compte fait, le jeu en vaut la chandelle.
Auteure : Nathalie Boisvert – Mise en scène : Frédéric Sasseville-Painchaud, assisté d’Olivier Sylvestre – Scénographie : Xavier Mary – Éclairages : Chatal Labonté – Musique : Mykalle Bielinski – Distribution : Xavier Huard (Étéocle), Léane Labrèche-Dor (Antigone), Frédéric Millaire-Zouvi (Polynice), Mykalle Bielinski (la musicienne) – Production : Le Dôme / Codiffusion : Théâtre Denise-Pelletier | Durée : 1 h 10 approx. (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 22 avril 2017 – Théâtre Denise-Pelletier (Salle Fred-Barry)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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