27 avril 2017
L’an dernier, nous avions fait la page couverture d’un de nos six numéros avec La danse de la réalité (La danza de la réalidad), première partie d’un trilogie biographique qui se terminera au cours des années 60, plus précisément, d’après les rumeurs, après mai 68. On a hâte.
L’univers fantaisiste de La danse de la réalité n’est pas si différent de cette Poésie sans fin, titre d’autant plus approprié qu’il situe le Jodorowsky, adulte en devenir, dans un univers où les vers sont une façon de vivre, de se parler, d’entreprendre des relations. Cotôyer la bohème, s’abandonner à un imaginaire qui nie la réalité triste et combative. Vivre selon ses instincts, mais aimer aussi la vie pour ce qu’elle peut nous permettre de réaliser du moment où nous avons le courage.
Mais le film de Jodorowsky est aussi bien une fiction accessible qu’un essai poétique sur la mise en scène : planifier le plan jusqu’à lui administrer des doses de surréalisme pur et dur ; situer les personnages dans des zones grises où la mort rôde de partout, mais s’éteint soudainement pour laisser la place à d’autres vies (ou moyens de vivre) qui ressuscitent. C’est baroque, extrême comme dans tous les films du cinéaste franco-chilien. Le surréalisme est proche ; Breton est dans les parages ; Neruda est dans l’air. Jodorowsky est en pleine formation et rien ne l’arrête.
On retrouve ses univers d’antan, sortes de clins d’oeil où la vie et la mort se juxtaposent radicalement sans que l’une ou l’autre ne sorte victorieuse. La mère chante toujours, le père est toujours aussi angoissé qu’homophobe aguerri et Alejandro pose les premières pierres de ce que sera sa vie. Dans le rôle du jeune Alejandro, Adan Jodorowsky, le fils cadet du réalisateur, est en parfaite symbiose avec son paternel, unis tous les deux dans un même projet qui semble conduire vers un ailleurs paradisiaque qui dépasse la simple existence. Cela s’appelle sans doute « l’art », quelle que soit sa manifestation. À 87 ans, à l’hiver de sa vie, Alejandro Jodorowski jongle encore avec son univers fantaisiste, celui qui a nourri son œuvre d’imagination, de bravoure, de risque et particulièrement, d’un liberté extraordinaire de pensée. Quand la décadence transcende la vie, quand elle a le courage de s’exprimer malgré tous les interdits du monde, cela s’appelle « vivre ». Même si dans ce processus, la nostalgie, la mélancolie, parfois même le regret nous guettent à chacun de nos pas. Comme de vrais fantômes qui suivent nos faits et gestes pour prétendre qu’ils nous laissent libres. Par ailleurs, ce pamphlet fantastico-intime peut nous sembler narcissiste au point d’être embarrassé ou même indifférent. Mais finalement, c’est délicieusement décadent.
Genre : Biographie fantaisiste – Origine : France / Chili / Japon / Grande-Bretagne – Année : 2016 – Durée : 2 h 08 – Réal. : Alejandro Jodorowsky – Int. : Adan Jodorowsky, Pamela Flores, Brontis Jodorowsky, Alejandro Jodorowsky, Jeremias Hersokovits, Leandro Taub – Dist. : FunFilm.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.