11 mai 2017
En 2014, Laura Poitras signe un pamphlet vitriolique, Citizenfour. Avant cela, en 2009, The Oath, que nous n’avons malheureusement pas vu. Et puis, aujourd’hui, Risk, titre on ne peut plus approprié puisqu’il s’agit de cela, de risques, de confessions, d’interdits avoués, de remises en cause de l’art qu’on pratique et respecte, de cet instrument dangereux et captivant qu’est la caméra, cet objet capable d’enregistrer par la voix les carences les plus intimes, de capter le meilleur et le pire.
Car au-delà du (presque) portrait du consciemment charismatique et faussement énigmatique Julian Assange, Risk est aussi une voix off qui prend le courage de briser le silence sur la vie privée de la documentariste par le biais de sa propre narration. : rapports intimes avec Jacob Appelbaum, souvent non conformes, mais apparemment consentis. Cette ouverture vers l’autre, le spectateur, est aussi une regard sur le privé et le public, entre la morale et la dissension, entre l’artiste et le commun des mortels. En fait, Risk mérite plus ou moins la même note de passage que The Oath (sans doute) et Citizenfour ; car nous sommes dans les coulisses du clandestin, de cet entre-deux-mondes qui n’a plus de liberté et n’arrive pas à se cacher. Est-ce volontaire de la part de Poitras ? Qu’importe !
C’est aussi une façon de se questionner sur son propre travail. Faut-il continuer à raconter le monde, à s’investir pour que la justice règne, pour que la dissidence ait une voix ? Comme tous les êtres humains, ceux autour d’Assange, être aussi complexe que fascinant, il y a des vivants, avec leur vie privée (plus ou moins) et sexuelle, pas si différentes des autres. Ce discours, Poitras le lance au spectateur en filigrane. Elle s’adresse à leur intelligence, n’hésite pas à se dévoiler et finalement, comme prise dans le filet, se résoud à joindre l’humain. La caméra n’est plus une force de la nature. Entre ses rapports intimes tout de même expliqués subtilement, ses difficultés à tourner l’illégal et le portrait inachevé d’un lanceur d’alertes, Poitras témoigne pour ainsi dire d’un cinéma documentaire constamment sous haute tension.
Genre : Documentaire – Origine : États-Unis / Allemagne – Année : 2016 – Durée : 1 h 31 – Réal. : Laura Poitras – Dist. : Métropole Films.
Horaires
@ Cinéma du Parc
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
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