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Festival de Cannes 2017 / Prise II

27 mai 2017

ÉVÉNEMENT
Texte : Pierre Pageau
(Délégué-Séquences à Cannes)

L’ANNÉE DE BIENS DES DÉCEPTIONS

Une des belles occasions qu’offre Cannes est celle de discuter avec des journalistes du monde entier. Soit , la plupart du temps dans la langue de Shakespeare, aujourd’hui devenue la lingua franca (langue véhiculaire), une composante étrange de notre monde contemporain. Si les Hexagonaux s’y prêtent à ce jeu linguistique, pourquoi pas nous ?

Or, de l’avis d’amis de la Norvège, de l’Allemagne, de la France, du Brésil et d’autres parties du monde, nous devons conclure que l’année 2017 aura été celle de biens des déceptions du côté de la Compétition officielle. J’aurai l’occasion d’y revenir plus en détails dans des textes sur des films précis dans la revue imprimée.

Tesnota

Tesnota

Mais nous sommes nombreux à penser que Happy End de Michael Haneke n’est pas à la hauteur de ses précédents et grands films, comme Le ruban blanc et le remarquable Amour en particulier. Son travail de description ascétique et rigoureux nous laisse bien froids. Nous étions plusieurs à espérer que Faith Akin, avec Aus Dem Nicht, qui lui aussi nous a donné plusieurs grands films, serait encore un cinéaste critique sur la situation des Turcs en Allemagne. La première partie nous donne cette impression parce que la mort causée par un groupe nazi semble bien aller dans le même sens.  Mais la fin, alors que la jeune allemande devient elle-même une terroriste s’apprêtant à tuer deux nazis, contredit le propos. Le dernier film en compétition,  You Were Never Really Here, de Lynne Ramsay, nous fait découvrir une sorte d’émule de Katerine Bigelow : une femme qui fait du cinéma d’action, parfois très violent, mais avec une maîtrise exceptionnelle, faut-il reconnaître.

D’autre part, les problèmes de retard de certaines projections deviennent monnaie courante.  On comprend tous qu’il faut se méfier de la menace terroriste (le cas de Manchester est partout dans les nouvelles).  Cela entraîne un véritable dysfonctionnement en ce qui a trait aux horaires prescrits. 

Hikari

Hikari

Cette année, c’est dans la section « Un certain regard » que nous avons pu faire de belles découvertes. La critique international a honoré Tesnota / Étroitesse, du russe Kantemir Balagov. Le récit porte sur une petite communauté juive peu connue du nord de la Russie qui doit cohabiter avec des groupes musulmans, mais aussi régie par des règles de vie qui vont finir par nuire au bonheur du personnage principal, Ila (ou Ilana). Le premier plan, à hauteur du plancher d’un garage, nous fait rencontrer un père garagiste et, ce qui semble être son garçon, mais en fait sera une fille, Ila.  Ce plan crée tout de suite un sentiment de claustrophobie qui sera au coeur du film, belle expression d’une petite communauté juive repliée sur elle-même. Il n’est donc pas surprendant que la critique international lui ait remis son prix

Le Jury œcuménique a récompensé Hirakiri / Vers la lumière, de la Japonaise Naomi Kawase. Il s’agit d’un très beau film, non seulement pour ses valeurs de résilience (des aveugles doivent apprendre à composer avec leurs incapacités), mais pour son travail pleinement cinématographique.  Pour illustrer un tel sujet il faut que les sons et les images soient très utiles, esthétiques et souvent poétiques.  La photographie y joue un grand rôle. Elle sert d’élément de dialogues entre des voyants et des non voyants.

120 battements par minute

120 battements par minute

De son côté, dans la Compétition officielle, la critique internationale a attribué son prix à 120 battements par minute, de Robin Campillo.  Pour ses adeptes du ACT UP du début, la mort est partout présente.. on n’a pas encore les bons médicaments. Mais le film nous offre une ouverture vers la lumière, comme le film de Kawase.  L’amour sera plus fort que tout.

Bref, malgré tout, il y a eu de bons films en 2017 à Cannes.

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