1er juin 2017
Dans le monde des films de super-héros, le véritable affrontement se déroule loin des écrans entre les deux compagnies rivales et leurs propriétaires hollywoodiens : Marvel (Disney Studios) et DC Comics (Warner Bros.). Chacune a créé son propre univers et son lot de films, essayant à chaque nouvelle production de dépasser l’autre au box-office et en envergure. Les personnages de Marvel semblent à prime abord plus cohérents car ils proviennent de la science-fiction (Captain America, Iron Man, Spider-Man, Hulk) sauf le mystique Docteur Strange et Thor, le dieu d’Asgar de la mythologie nordique, les films ayant malgré tout justifié ce dernier en le transformant en extraterrrestre. Du côté de DC, l’équivalent de Thor est Diana, la princesse amazonienne, fille de Zeus et de Hippolyta, la reine des Amazones, élevée sur l’île Themyscira, qui s’inscrit dans la mythologie grecque. Telle que présentée dans Wonder Woman, ses origines surannées se révèlent beaucoup plus difficiles à avaler que celles de Thor ou même de Superman.
La réalisatrice Patty Jenkins et son scénariste Alan Heinberg (surveillés de près par Zack Snyder) font tout leur possible pour rendre crédible l’île mythique, cachée et protégée par Zeus, où résident les Amazones, mais l’on ne peut pas échapper à l’impression de se retrouver dans Clash of the Titans (choisissez votre version) ou dans Immortals de Tarsem Singh. Bien que ces quinze premières minutes soient enlevantes et même vivifiantes grâce à la présence de Robin Wright en convaincante maîtresse d’arme et de Connie Nielsen en reine autoritaire, dès que l’avion de l’espion américain Steve Trevor (Chris Pine) traverse la bulle de l’île, suivi d’un navire allemand, on se dit qu’elle est bien moins protégée que Skull Island ! Dès ce moment, toute logique prend le bord. Puisqu’elles n’ont jamais vu un seul homme depuis des lustres, pourquoi les Amazones parlent-elles toutes les langues humaines ? Pourquoi ne parlent-elles pas le grec entre elles ? Pourquoi la reine refuse-t-elle que Diana s’entraîne si elle est destinée à affronter Arès, le dieu de la Guerre? Pourquoi Diana ne peut reconnaître la forme humaine qu’a prise Arès alors que tout spectateur attentif le devinera immédiatement ? Et pourquoi 1918 ? Pourquoi Arès choisit-il la Première Guerre mondiale et non la Deuxième pour sévir comme dans les premières bandes dessinées de Wonder Woman créées par William Moulton Marston en 1941 ?
Sans doute qu’une des raisons qui a poussé les auteurs du film vers la Première Guerre est d’éviter la comparaison avec Captain America : The First Avenger qui se déroule durant la Deuxième Guerre et qui sert aussi d’introduction au personnage. Mais cette comparaison est inévitable, surtout que Diana et Steve recrutent aussi des compagnons d’arme particuliers, que leur première victoire est célébrée par la prise d’une photo, que Diana utilise un bouclier au combat et que la finale implique un avion gigantesque qui s’écrase tragiquement. Il est clair en plus que Wonder Woman est la version féminine de Superman : son alter-ego Diana Prince fait penser à Clark Kent (elle aussi porte des lunettes pour cacher son identité), sa relation avec Steve Trevor rappelle celle de Superman avec Lois Lane et il y a même une scène où Diana intercepte une balle dans une ruelle. L’affrontement final nous offre une énième cavalcade d’effets numériques avec l’équivalent du Général Zod dans The Man of Steel, encore une autre scène de destruction massive. Et n’oublions pas la tonitruante musique qui noie tout le film sans répit. Combien de scènes seraient bien meilleures et plus fortes s’il n’y avait pas cette abominable orchestration tumultueuse !
Tout cela serait bien lassant s’il n’y avait pas la magnifique Gal Gadot dans le rôle principal. Elle parvient à insuffler une sincérité, une intensité et une fougue à un personnage qui menace à tout moment de devenir risible. Merveilleusement douée, l’actrice israélienne semble y croire encore plus que les acteurs qui l’entourent et sa détermination naïve emporte l’adhésion, surtout lorsque Diana prend l’initiative devant des hommes médusés par ses actions, dans un monde où les femmes n’ont pas le droit de se mêler aux affaires des hommes. Sa maîtrise des langues lui donne en plus un avantage certain sur ces hommes. Une féroce intelligence transperce son regard envoûtant, alors que sa beauté physique n’est pas utilisée comme un objet de désir mais comme un atout supplémentaire pour commander les hommes autour d’elle. Malgré tout son talent, elle ne peut à elle seule résoudre le syndrome Superman qui soutend une telle héroïne et que le scénario ne parvient pas à résoudre de façon satisfaisante : puisqu’elle est si puissante, invulnérable et immortelle, pourquoi demeure-t-elle dans le monde des humains ? L’amour universel ne semble pas une raison suffisante.
Genre : Aventures fantastiques – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 21 – Réal. : Patty Jenkins – Int. : Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright, Connie Nielsen, Elena Anaya, Danny Huston – Dist. : Warner Bros. Canada
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
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