9 juin 2017
La boîte de distribution américaine A24 frappe encore avec son nouveau film It Comes at Night, un thriller claustrophobique terriblement angoissant, qui prouve qu’en plus de savoir faire des films d’excellente qualité (pensons à l’oscarisé Moonlight), le distributeur arrive également à renouveler brillamment le cinéma de genre, lui conférant finesse et intelligence… pour le rendre plus terrifiant que jamais. A24 nous l’a prouvé en 2015 en distribuant The Witch et Green Room et le fait encore aujourd’hui avec le film du jeune Trey Edwards Shults.
Alors qu’un mystérieux et extrêmement contagieux virus terrorise la planète et décime une grande partie de sa population, Paul, Sarah et leur fils Travis s’enferment dans une maison isolée dans les bois, vivant dans la peur constante du monde extérieur et sous la stricte règle de ne jamais sortir la nuit. Un soir, un homme plus jeune, Will, fait son entrée dans la maison. Paul réussit à le capturer et l’interroge. Quand il réalisera que Will est, comme lui, un homme voulant simplement protéger sa femme et son fils en leur fournissant eau et nourriture, il l’invite à s’installer avec sa famille dans la maison au fond des bois. Malheureusement, la paranoïa et la peur de l’autre ne se dissiperont jamais complètement.
Dès la scène d’ouverture où Paul et Travis sortent de la maison portant chacun un gros masque d’oxygène et traînant le grand-père du foyer, visiblement très malade, qu’ils vont abattre avant de le brûler et de l’enterrer, on est complètement absorbé dans l’univers de Shults. Même sans comprendre ce qui se passe, on sent la tension de façon très puissante. Ce n’est que lorsque le coup de feu met fin à l’intense musique qui accompagnait ces mystérieuses images que le spectateur reprend enfin son souffle, réalisant que c’est peut-être sa première respiration des deux dernières minutes.
C’est que Trey Edwards Shults a un talent inouï pour créer une atmosphère inquiétante et tendue et surtout pour la maintenir, non seulement tout au long de cette scène mais également durant tout le film par la suite. Jamais il ne brisera cette aura de mystère si angoissante en nous imposant des explications lourdes ou inutiles. Jamais non plus il ne tentera de nous surprendre avec un revirement de situation improbable. C’est plutôt l’économie de moyen et l’honnêteté de son processus de création qui nous surprendront et qui finalement nous déconcerteront le plus.
Les images, captées par le directeur photo Drew Daniels, sont magnifiques. Très sombre, le film est en grande partie tourné dans le noir, les plans n’étant souvent éclairés que par une lanterne déplacée par un personnage apeuré dans la maison ou par une lampe de poche posée sur le bout d’un fusil tenu de façon très tendue par les personnages. La caméra se déplace avec élégance, balayant les inquiétants couloirs de la maison ou l’extérieur morose de la forêt. Elle finit toujours par se poser, en gros plan, sur le visage de l’adolescent Travis, sur ses expressions qui traduisent, grâce à son jeu très juste, ses peurs et ses angoisses. C’est systématiquement sur cette humanité que la caméra s’immobilise et sur laquelle le film se concentre.
Il n’y a ni bons ni méchants dans It Comes at Night, seulement des humains qui veulent survivre, qui ont tous de bonnes intentions mais sont dévorés par cette peur et cette obsession de protéger la famille, à l’origine de dérapages. Peut-être Shults faisait-il ici un parallèle avec la situation présente aux États-Unis…?
Que l’on puisse s’identifier à tous les personnages, se mettre à leur place, les comprendre ou avoir les mêmes réflexions qu’eux fait de It Comes at Night un film très réaliste malgré son univers apocalyptique. Et c’est ce réalisme qui rend le film si effrayant, car on arrive facilement à s’imaginer soi-même dans cette maison, dans cette fin du monde.
Genre : Suspense psychologique – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 37 – Réal. : Trey Edward Shultz – Int. : Joel Edgerton, Kelvin Harrison Jr, Carmen Ejogo, Christopher Abbott, Riley Keough, Griffin Robert Faulkner – Dist.: Métropole Films.
Horaires
@ Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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