6 juillet 2017
Le fait que Django ait été présenté en ouverture de la Berlinale 2017 a quelque chose de touchant et d’éminemment symbolique. Touchant parce que c’est Django Reinhard et parce que c’est sa musique. Et parce que Django et parce que la musique… Improvisation, pure inspiration glanée à travers des millénaires d’errances depuis l’Inde jusque sur les côtes de Camargue, souffle et mémoire d’un peuple qui jaillit à chaque note. Le film d’Étienne Colmar tire sa substantifique moelle de ces notes éblouissantes, enjouées, effrénées. Il tient aussi dans la présence de Reda Kateb (Le prophète, Zero Dark Thirty) dont il faut noter la capacité à incarner un guitariste qui jouait à trois doigts, l’annulaire et l’auriculaire de sa main gauche étant restés paralysés suite à une grave brûlure alors qu’il avait 18 ans. De cette difformité, il tirera un style qui engendrera le « jazz manouche », toujours populaire aujourd’hui.
La première mondiale de Django à Berlin était symbolique parce que les Nazis détestaient le jazz cette « musique du diable » – comme la dénommait Hitler, et parce qu’ils ont tout fait pour anéantir le peuple Rom à travers l’Europe. Et parce que Django, refusant autant de censurer sa musique que de présenter des concerts en Allemagne sous l’auspice des Nazis, se réfugia dans le Sud de la France, où il tenta de rejoindre la Suisse. Voilà pour l’Histoire, l’existence de Reinhard à Paris durant la guerre étant restée assez mystérieuse en réalité. Outre sa famille, particulièrement sa mère, Negros, jouée avec verve par Bimbam Merstein, certains personnages, comme sa maîtresse Louise de Klerk (Cécile de France), jouent des rôles de composition. Malgré de belles images de Christophe Beaucarne, Django demeure inégal et tombe parfois à plat, tant le protagoniste principal demeure insaisissable. Le fait qu’il ait eu affaire avec la Résistance pour fuir la France, c’est chose probable. Qu’il ait eu à offrir un concert aux Nazis en échange l’est beaucoup moins, même s’il offre l’un des plus beaux moments de tension du film.
Qui était Django Reinhard, nous l’ignorons peut-être encore davantage en sortant de la salle qu’en y entrant. Le film de Colmar le dépeint comme un artiste jouissant allègrement de sa gloire et relativement peu concerné par le sort de son peuple, jusqu’à ce qu’il soit lui-même menacé. Mais qu’en était-il en réalité ? La maison qu’occupait Reinhard à Paris se trouve sur l’avenue Monnot, une avenue aujourd’hui privée dans le 8e arrondissement, non loin du Moulin Rouge et des rues aux filles. Si vous tournez le dos à sa maison, vous vous trouvez en face de celle de Jean Renoir. Comment dans ce quartier d’artistes où couraient tous les bruits de Paris, Reinhard aurait-il pu ignorer les rafles et les disparitions parmi les siens ? Son Requiem pour mes frères tziganes, dont une partie seulement des partitions a survécu, permet de douter de l’indifférence. Et c’est tant mieux.
Genre : Chronique biographique – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 57 – Réal. : Étienne Comar – Int. : Reda Kateb, Cécile de France, Bea Palya, Bimbam Merstein, Gabriel Mirété, Vincent Frade – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
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