17 juillet 2017
Nous profitons de la tenue de Fantasia, pour parler du court métrage d’un jeune cinéaste chinois qui nous avait envoyé un lien de son premier court métrage il y a de cela quelques mois. Un film qui, bizarrement, dans un pays qui ne cesse de remettre en question et innove constamment les images en mouvement, rompt avec le cinéma de genre, fort abordé, mais demeure, par sa franchise, d’une haute tenue artistique et conceptuelle.
FILM COMPLET
(Nos remerciements au réalisateur)
Effectivement, The Story of 90 Coins évite farouchement le film de genre normalement attribué aux jeunes cinéastes chinois qui débutent, optant plutôt pour un romantisme inconditionnel proche d’un certain cinéma grand public raffiné et bien intentionné. Acte de bravoure qui, en effet, situe ce jeune réalisateur prometteur dans le rang d’une nouvelle génération de réalisateurs (et ils ne doivent pas être trop nombreux) qui méritent tout de même un certain respect puisqu’ils refusent, on l’observe nettement bien, et catégoriquement, de rejeter les modèles des anciens.
Sur ce point, Zhang Yimou (et pourquoi pas Jean Negulesco) ne sont pas très loin, sans doute dans ce qu’ils possèdent, notamment dans leurs premiers films, de resplendissant, de leurs rapports harmonieux aux personnages, de leurs petites nuances cachées qu’il nous faut deviner. Mais il y a déjà chez Wong une maîtrise qui consiste à souligner sa franchise, son savoir-faire technique, son rapport au plan, le côté ensoleillé des images et une structure d’ensemble nette.
Si The Story of 90 Coins est simple dans son schéma narratif, il n’en demeure pas moins que ce premier court métrage, premier film pour ainsi dire, se savoure grâce à sa prise de position intellectuelle, évitant le politique (ce choix, on le respecte) : ne pas succomber aux lois technologiques ridiges d’un présent trop pressant pour les jeunes cinéastes, assumer entièrement sa vision du cinéma, oser transgresser le cinéma d’auteur en le déconstruisant ; c’est-à-dire en le confrontant à ses propres fantasmes et codes établis. Car le film est avant tout un dialogue (parfois gentiment pervers) entre le cinéma grand public et celui d’auteur.
Une histoire romantique, et pourquoi pas ? Le récit d’une promesse. Oui, « promesse », mot tabou de nos jours, mais que Wong ose remettre aux goût du jour comme si pour reconstruire le monde, il aurait fallu revenir en arrière. Avec The Story of 90 Coins, titre on ne peut plus empreint de nostalgie et de mélancolie, nous sommes devant trois comédiens irréprochables : ils croient au projet, se lancent dans une sorte de mise en abyme entre la vraie vie, celle hors du film, de son cadre, et l’univers de la caméra. Comme chez les comédiens d’autres générations.
Impossible de voir la différence, et c’est là le petit tour magique que nous offre Michael Wong, un film-hommage réussi à un cinéma d’hier. Il faudra que dans ses prochains essais, il s’accorde à ce 21e siècle qui a, cinématographiquement parlant, énormément de choses à lui offrir. Il ne tient qu’à lui de faire des choix pour un premier long métrage, mais sans que son honnêteté, son humanité contagieuse et sa passion du cinéma n’en souffrent. Ce qui est vrai, c’est que tout en conservant son originalité, détourner astucieusement le concensus actuel du cinéma d’auteur est toujours possible.
Titre original : JIUSHI MEI YINGBI DE GUSHI – Origine : Chine – Année : 2015 – Durée : 9 min. 23 sec. – Scén. : Gao Xiaofei – Idée : Jackie Bai – Images : Jian Liwei – Mont. : Song Kaiyi – Son : An Wei – Mus. : An Wei – Int. : Jose Acosta (Andre), Han Dongjun (Wang Yuyan), Zhuang Zhiqi (Chen Wen) – Prod. : Liu Yunsong – Contact : E&T Films.
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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