27 juillet 2017
Dans les transes fanatiques des salles de concerts tokyoïtes, devant un parterre de mâles bien plus âgés qu’elles, Yuzu, 10 ans, Auru, 14 ans, Rio 19 ans et Yuka, la plus vieille du haut de ses 22 ans, exercent un « métier » qui les dévore. Elles et des milliers d’autres reines de la J-Pop sont les idoles éphémères d’une société japonaise malade. En jupettes carottées et costumes coquins, sur des trémoussements qui nous rappellent que trop les danses lascives des effeuilleuses professionnelles, ces jeunes filles aux couettes pourtant sages font partie d’un système qu’elles entretiennent consciemment ou non, et que ni leurs proches ni le corps social dans son ensemble ne semblent vouloir remettre en cause. Tout au contraire. Dans cette hiérarchie ultra patriarcale qu’est le Japon, elles participent à l’équilibre instable (absurde serait-on tenté de dire) de leurs admirateurs qui leur vouent une passion proche de la dévotion. Ces hommes seuls, souvent désespérés et capables de tout dépenser pour acheter leurs disques, assister à leurs concerts et même avoir le privilège de leur serrer la main , parviennent grâce à elles à continuer de croire en quelque chose.
Ayant eu un accès privilégié aux dessous de ce show-biz lucratif, dont la popularité est étroitement liée à Internet et aux réseaux sociaux, la cinéaste Kyoko Miyake (qui a fait le choix de vivre hors de son pays) nous offre une étude rigoureuse, tout en sachant garder à son propos une rare limpidité. En outre, elle fait le tour d’une problématique complexe en évoquant un ensemble de facteurs touchant toutes les sphères de la société nipponne actuelle. Exploitation de ces enfants par les promoteurs, surmenage des salariés mâles, solitude, échec personnel, manque de confiance en soi, les rêves d’une jeunesse en mal de repères, et bien d’autres sujets se cristallisent ici, dans ces « Idols » objets de tous les fantasmes.
En somme, Miyake se livre à une dissection en règle des travers d’un mode de vie principalement urbain qui, pour des dizaines de milliers de résidents, est loin d’être un univers doré. Évitant toute forme de jugement – on imagine pourtant que la tentation a dû être forte – Miyake construit une mosaïque troublante, fusion parfaite de drame et de légèreté, de factuel et d’intime. Certaines remarques, de la part de Rio notamment, sont d’une lucidité bouleversante, mettant en lumière l’immense fragilité de ces étoiles montantes dont l’avenir en dehors des pistes de danse reste en suspens. Déstabilisés par ces visages d’enfants portant les stigmates d’une hyper-sexualisation socialement acceptable, gênés d’en être les témoins impuissants, un profond malaise ne cesse de nous étreindre.
Genre : Documentaire – Origine : Canada [Québec] / Grande-Bretagne – Année : 2017 – Durée : 1 h 29 – Dist. : Eye Steel Inc.
Horaires
@ Cinéma du Parc – Cinémathèque québécoise
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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