12 octobre 2017
La Guerre Froide et son lot de menaces nucléaires a malheureusement obscurci le message profondément solidaire de Karl Marx vis-à-vis des classes ouvrières et de leur exploitation sans merci par la haute bourgeoisie industrielle de la fin du 19e siècle. Le film de Raoul Peck s’ouvre en 1844, un siècle avant que la conférence de Yalta divise le monde en blocs capitaliste et socialiste et engendre la peur du Communisme. À cette époque, Karl Marx (August Diehl) a 26 ans et vit en exil à Paris avec sa jeune femme Jenny (Vicky Krieps), dans des conditions précaires. Il fait alors la rencontre de Friedrich Engels (Stefan Konarske), jeune héritier d’un grand industriel qui vient de publier un essai sur l’appauvrissement du prolétariat britannique et qui tente de se distancer de son milieu. L’un et l’autre vont mutuellement s’inspirer et s’encourager à établir les bases théoriques d’une nouvelle révolution, ouvrière, cette fois-ci portée par les idées qu’ils formulent dans ce qui deviendra le Manifeste du parti communiste.
Raoul Peck, tout en créant le portrait d’une époque qui rappelle par de nombreux aspects les séquelles lamentables de la globalisation (travail des enfants, exploitation des femmes dans les manufactures, répression ouvrières et violence), a l’intelligence de faire en premier lieu le portrait d’une amitié sous-tendue par une passion commune. C’est ce qui donne au film sa force et son élégance. Car la Genèse du Manifeste, tel que le montre le cinéaste, a commencé par une solidarité des idées et des passions entre un baron de l’industrie qui effectuait la comptabilité dans les usines de son père (Engels), un brillant intellectuel de gauche (Marx), une jeune aristocrate déshéritée par sa famille (Jenny Marx) et une ouvrière activiste dont s’éprendra Engels (Mary Burns). Il exprime ainsi métaphoriquement et historiquement, la synthèse sociale des mouvements qui s’assemblèrent au tournant du 20e siècle pour lutter contre l’oppression ouvrière. Peck, il faut le noter, donne aux femmes la place qui leur revient à travers les personnages passionnés de Mary Burns et de Jenny Marx.
Filmé de façon conventionnelle, mais efficace, dans des camaïeux de gris et de bruns et soutenu par un quatuor d’excellents acteurs, le film permet aussi de comprendre les tensions qui animaient la Gauche autant que la répression des autorité politiques qui tenteront de faire taire Marx à tout prix. Un film à voir et à faire voir tant il est vrai que la lutte n’est jamais terminée et que les batailles gagnées ne le sont pas à jamais.
Genre : Chronique biographique – Origine : Allemagne / France / Belgique – Année : 2017 – Durée : 1 h 58 – Réal. : Raoul Peck – Int. : August Diehl, Stefan Konarske, Vicky Krieps, Olivier Gourmet, Alexander Scheer, Michael Brandner – Dist. : K-Films Amérique.
Horaires
@ Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
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