12 octobre 2017
Il n’est guère surprenant que Robin Campillo se soit mêlé du montage, assisté de Stéphanie Léger et d’Anita Roth. Puisque 120 battements par minute, c’est son film, cette idée qui lui trottait dans la tête, comme un accouchement dans la douleur, car l’enfant en soi est une maladie incurable. Il fallait en parler même si beaucoup avant lui l’ont déjà fait.
À première vue, il y a un titre, médical, clinique, annonçant la mort prochaine, sans aucune chance de survie, sans jugement. Parce que vraie, réelle, s’infiltrant dans le corps et dans les cœurs comme si les sentiments ne servaient plus à rien.
Tout devient banal : la ville, l’environnement social, les pistes de danse filmées en plans rapprochés, sentant la sueur des participants qui s’étonnent d’être là, non pas pour fêter, mais pour oublier le quotidien.
Quotidien politique lors de ces réunions dans une salle de classe collégiale où il ne s’agit plus du discours de la méthode, mais de la méthode du discours. Ce qui étonne, c’est la clarté des propos émis, c’est aussi la connaissance de ce de quoi il est question. La maladie, l’esprit de survie pousse à la recherche. Rien ne peut échapper à ceux et celles concerné(e)s.
Et puis le gouvernement et les puissants lobbies pharmaceutiques. Scènes presque documentaires qui poussent le spectateur à non seulement réfléchir sur la question, mais bien plus que tout, à la façon de voir la chose, cette chose venue d’on ne sait où. Est-elle implantée ?
Au cours de ces années intenses, nous assistons, en ce qui a trait au sida, au royaume des possibles. Campillo n’y va pas de main morte. Et puis, soudain, un arrêt. Pour transformer tous ces délires publics en une passionnante histoire d’amour entre deux jeunes gens, le premier frôlant la mort d’un moment à l’autre ; le second, non touché par la maladie, fidèle à son compagnon jusqu’au dernier souffle.
Act Up s’installe dans le conscient de la population et parvient à s’y intéresser. La résistance d’une partie des hétéros est quand même palpable. Comme cette étudiante qui confie ne pas être concernée puisque c’est « une maladie de pédés ». Ce qui est certain, et on n’en parle que rarement, pour ne pas dire jamais, les Français ont toujours eu des rapports très ambigus face à l’homosexualité. Les écrits de Proust et (un peu moins) de Gide sont des exemples frappants.
Mais 120 battements par minute, c’est aussi la colère, l’injustice, la lenteur à approuver des médicaments qui ont déjà fait cliniquement leurs preuves. C’est l’angoisse de mourir et de laisser tout derrière soi. C’est aussi ne plus revoir ceux et celles qu’on a fréquentés et aimés. C’est aussi prendre conscience que la sexualité du plaisir ne sera plus la même. Et c’est aussi, assister à un film assumant une mise en scène impitoyable, rigoureuse, presque brouillonne par moments, s’interdisant toute notion de censure. Même lorsque le privé joint le collectif en entrant par la grande porte, sans crier gare, s’invitant par simple souci de survivance et de prouver qu’on est bien là.
Car après tout, 120 battements par minute, c’est deux films en un, celui d’un mouvement socio-politique et, en second, une sensationnelle histoire d’amour où la mort et la vie se côtoient sans cesse. Admirablement conçu, d’une chaleur humaine inépuisable et enveloppante. L’une des plus belles réflexions du cinéma français actuel sur l’existence et la finitude.
Genre : Drame – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 2 h 23 – Réal. : Robin Campillo – Int. : Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz, Felix Maritaux, Méhdi Touré – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires
@ Beaubien – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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