19 octobre 2017
À Norilsk, il y a l’hiver, long et rigoureux, d’immenses gisements de nickel, une ville qui tombe plus ou moins en ruines. Et bien sûr, il y a des gens. 170 000 au total. Des jeunes, des vieux, désireux de partir au loin ou encrés à jamais dans ce coin perdu en plein cercle polaire. Pour son premier long métrage, François Jacob nous entraîne avec lui dans cet endroit improbable issu d’une autre époque, et créé par un système impensable aujourd’hui. La nature très graphique de ces lieux est sublimée par des images nocturnes empreintes de mystère. On sent aussi le passé du cinéaste dans le domaine de la fiction par sa façon inventive de mettre en scène ses entrevues. On pénètre alors dans le quotidien de plusieurs résidents, dont beaucoup ont fait de la résilience le principal ressort de leur existence dans ce contexte inhumain.
L’amnésie des autorités a fait son œuvre. Les souvenirs des destins tragiques des bâtisseurs de la ville – des prisonniers internés dans des goulags comparables à des camps de travail nazis – ont été éradiqués. Malgré le peu d’archives disponibles, Jacob parvient tout de même à nous en faire ressentir tout le poids. Outre son aspect historique, ce documentaire offre une vision à 360 degrés des contradictions et des aliénations de systèmes économiques poussés à l’extrême. Le constat n’est pas tendre envers les dirigeants politiques, encore moins à l’égard de la direction du géant minier local. Et si la destruction de l’environnement et l’impact sur la santé publique de la pollution ne sont pas le cœur du récit, les nuages toxiques de Norilsk nous servent un avertissement bien senti, alors que nous tergiversons toujours avec nos propres ressources naturelles.
S’étalant sur presque deux heures, le montage possède un rythme adapté à la saison froide. Figée dans les glaces, la cité état stagne dans une sorte d’apesanteur intemporelle. Mais c’est le propre de ce film que de nous en faire ressentir toute l’indolence, quitte à donner l’impression d’un ralentissement notable à mi-parcours. Une sensation renforcée par le fait que certains développements intéressants arrivent tardivement, notamment celui de la volonté d’une troupe de théâtre de ressusciter le sort tragique des bâtisseurs de la ville. L’un des rares actes de résistance populaire qui aurait mérité plus d’approfondissements. Il n’en reste pas moins que Sur la lune de nickel est un voyage fascinant dans cette région méconnue de notre monde.
Genre : Documentaire – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 52 – Réal. : François Jacob – Dist. : Les Films du 3 Mars.
Horaires
@ Cinémathèque québécoise
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.