26 octobre 2017
Personnage politico-culturel, dissident dans son pays (la Chine), devenu métèque par la force des choses, Ai Weiwei jette cette fois-ci l’objectif de la caméra sur les migrants. Divers pays vulnérables du monde sont évoqués, mais seules sont entendues les voix de tous ces exilés de la terre. Un très court passage dans les territoires « occupés » en Palestine cède la place aux réfugiés Syriens, Afghans et autres mutilés du monde. Ils ont la parole ; les « accueillants » de ces marées humaines sont montrés comme des mal informés, dépassés par les évènements, pris soudain dans un nouveau mouvement social auquel ils n’ont pas été habitués. L’Occident ne sera plus le même. Les règles ont changé.
La bleue Méditerranée des dieux antiques est devenue un passage entre deux continents, celui d’une Afrique invivable où l’aide monétaire massive de l’étranger ne dépasse pas la poche des dirigeants et une civilisation occidentale prise dans un engrenage sans précédent qui doit aussi composer avec les élans xénonophes de ses habitants et les nouveaux arrivants.
Weiwei se fait l’avocat de opprimés et sa présence dans le film est un moyen de défendre leur cause. L’Italie, la Grèce, la République macédonienne, la Turquie, des pays hôtes devenus des cibles pour un monde dit « civilisé » qui, dans un sens, n’a rien à en tirer de ces oubliés.
Mais la question démographique selon laquelle le monde a déjà dépassé de loin la capacité totale de ses habitants n’est jamais posée. Interrogation taboue qui pourrait défier une des lois fondamentales de la société : la procréation. C’est dans cette optique inquiétante que le film de Weiwei, disons même tous les documentaires sur la question, se basent. La réponse n’existe pas. Mais aujourd’hui, le monde n’a jamais été aussi divisé. On constatera l’absence de voix des grands dirigeants du monde. Weiwei cite au contraire des extraits d’œuvres d’auteurs orientaux, s’attachant à leur philosophie sur la vie.
D’autre part, soulignons la rigueur d’une mise en scène au diapason des créations visuelles de l’artiste. Le plan est ici l’occasion de cadrer les silences, d’opter pour le non-dit, de poser le verbe seulement quand il le faut. Et soudain, ces visages de l’ordinaire, ces plongées de la caméra sur des contrées dévastées où des humains tentent de sauver leur peau, tous ces territoires deviennent pour nous des prisons à ciel ouvert où il ne fait pas bon vivre.
La civilisation mondiale s’écroule. La thèse de Weiwei n’a jamais été aussi claire. Quant à la Méditerranée, elle n’a jamais été aussi multiplement partagée.
Genre : Documentaire – Origine : États-Unis / Allemagne – Année : 2017 – Durée : 2 h 21 – Réal. : Ai Weiwei – Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cineplex
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