11 janvier 2018
RÉSUMÉ SUCCINCT
Reconnu comme l’un des pionniers du cinéma direct, Jean-Claude Labrecque mène depuis les années 60 une double carrière de réalisateur et de directeur de la photographie. Michel La Veaux, également cinéaste et opérateur de prise de vue, jette son regard sur l’un des trésors de notre cinématographie nationale.
Lorsqu’un réalisateur se permet, comme c’est le cas ici de Michel La Veaux, d’exprimer sa passion pour un art partagé avec le sujet filmé, n’est-il pas de notre devoir de faire autant comme critique. Notamment lorsqu’on connaît le réalisateur et le personnage filmé.
Mais ce qui émeut dans Labrecque, une caméra pour la mémoire, c’est bel et bien cet engouement que partagent les deux artistes. Si les séquences d’archives, incluant de brèves séquences des films de Labrecque ou tournées par lui dominent par leur côté nostalgique, force est de souligner qu’elles empruntent dans le même temps la voie d’une peinture réaliste de notre cinématographie nationale et de notre histoire sociopolitique – comme ce commentaire de l’illustre Pierre Bourgault qui assure l’inclusion de tous les québécois, ceux nés ici et les nouveaux qui ont décidé d’embrasser la cause idéologique dans un Québec souverain. Ces quelques secondes de témoignage sont déchirantes.
Entre le documentaire et la fiction, Labrecque, une caméra pour la mémoire le démontre admirablement bien, les deux genres se superposent pour brosser le portrait d’un Québec en devenir. Et Labrecque, l’Homme, l’exprime par la notion d’intuition. Quel mot magique, sorti des tripes, pour établir des liens entre l’individu et son territoire. Quelles que soient les issues de cette recherche identitaire, constat omniprésent dans le film, les multiples interrogations demeurent par elles-mêmes une mise en scène. Deux directeurs-photo/cinéastes se projettent ainsi dans une sorte de miroir à double reflet qui culmine vers l’inévitable mise en abyme. Et tant mieux, puisque nous sommes, nous spectateurs, atteint par une envie de connaissance à mesure que le récit documentaire se déroule.
Jusqu’au point où les deux artisans du 7e art se confondent pour n’en former qu’un. Film-enquête, portrait-hommage, laboratoire expérimental sur le cinéma (présence et explicatifs du fonctionnement de ces caméras d’un autre âge…), Labrecque, une caméra pour la mémoire rappelle que le cinéma québécois ne date pas d’hier, mais que des grands comme Gilles Groulx l’ont bâti. Sur ce point, la direction photo de Labrecque et l’extrait du Chat dans le sac, de Gilles Groulx, déchirent le cœur. Exemple d’un cinéma québécois parfait qui, tout en demeurant farouchement national, se projette dans une universalité retrouvée. Est-il ainsi aujourd’hui?
Jean-Claude Labrecque, c’est l’amoureux du 7e art, Michel La Veaux, c’est le passionné. Le produit final ne peut s’avérer qu’une rencontre entre l’art et la vie. Mélancolique, nostalgique, fébrile et ouvert, comme ce plan final au Stade olympique originel (celui de Jeux de la XXIe Olympiade) repris en format « copier/coller à nu » et qui, soyons honnêtes, atteste distinctement d’un début de fiction que nous souhaitons à La Veaux. Labrecque, une caméra pour la mémoire est un film optimiste et sereinement intuitif. Son maître d’œuvre est tout à conscient.
Aussi…
En couverture
Séquences
La revue des cinémas pluriels
312 (Janvier-Février-Mars 2018)
pp. 3-11
En kiosque
Réalisation
Michel La Veaux
Genre : Documentaire biographique – Origine : Québec [Canada] – Année : 2017 – Durée : 1 h 34 – Dist. : Office national du film (ONF).
Horaires&plus
@ Cinémathèque québécoise
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – Les cotes reflètent uniquement l’avis des signataires.
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