14 mars 2018
Organique. Brut. Sensuel. Agressif, dans le bon sens du mot. Et contagieux dans sa mise en perspective des rapports humains, qu’ils soient familiaux ou professionnels. Être et paraître, se donner corps sans âme, pour le défi, pour gagner et montrer jusqu’à quel point on peut avoir raison et en fin de compte, réaliser ses faux rêves.
Entre l’instinct et l’entendement, entre la logique et le superficiel, entre la connaissance et son contraire, Rouge Speedo suscite le discours intellectuel, mais se présente aussi comme une alternative au théâtre de l’establishment. Tout d’abord par la mise en scène – pour un Québec de plus en plus frileux face aux élans du corps et de l’esprit et politiquement correct – qui assume avec véhémence son côté radical et agité, ne reculant devant rien pour crier le verbe et l’organique, pour posséder le corps et le rendre malléable à toutes les possibilités. Nous sommes les témoins d’un Québec théâtral décomplexé de ses vieux démons.
Et de grâce, ne disons rien sur le récit, simplement qu’il oppose (et parfois) rassemble quelques personnages alors qu’il est question d’une possible participation de l’un d’entre eux aux Jeux olympiques (section nage) ou quelque chose comme ça. Qu’importe, puisque la proposition de Lucas Hnath, la mise en scène de Louis-Philippe Tremblay et la traduction de Jean-Simon Traversy (à partir de l’original Red Speedo), délimitent les frontières entre le privé et le public, entre le rêve et la réalité, le mensonge et la vérité, le sublime et le quotidien, réalisant en fin de compte que les différences entre ces opposés ne sont pas aussi manifestes.
Les comédiens s’en donnent à cœur joie à cet exercice de réchauffement théâtral qui se transforme en happening de l’esprit. Décor révolutionnaire (comme une sorte de statement) aidant, Rouge Speedo est une œuvre essentielle parce qu’elle ose remettre les pendules à l’heure en ce qui a trait à la création artistique québécoise.
Et le lieu de la représentation a quelque chose à voir avec ce beau projet, au Livart, un endroit quasiment hors-temps, une sorte de galerie-entrepôt dénudé de toutes parures artificielles qui rappellent le côté bohème des années 50 et 60.
Et puis, simplement, le nageur ne porte qu’un maillot de bain, tout à fait conscient de ses attributs physiques. C’est homoérotique sans l’être, par défaut, visuellement engageant… et tant mieux, car une fois n’est pas coutume, l’œil voyeur du spectateur devient complice de ses propres fantasmes, tout en suivant l’évolution de ce jeu de pouvoir qui se perd dans la nuit des temps. Intrinsèque et judicieux !
Texte : Lucas Hnath – traduction : Jean-Simon Traversy – mise en scène : Louis-Philippe Tremblay – assistant à la mise en scène : Louis-Philippe Savard – scénographie (décor) : Cédric Lord – compositeur : Guillaume Regaudie – costumes : Marie-Charles Nadeau – éclairages : Gonzalo Soldi – distribution : Guillaume Regaudie (coach), Catherine Paquin-Béchard (Lydia), Marc-André Thibault (Ray), Louis Labarre (Peter) – production : Le Mimésis.
Durée
1 h 30 (sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 24 mars 2018
Livart
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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