En salle

The Stairs

15 mars 2018

| PRIMEUR |
Semaine du 16 au 22 mars 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Tourné sur cinq ans, le documentaire de Hugh Gibson examine la vie des habitués du centre communautaire Regent Park à Toronto. Les travailleurs sociaux comprennent pleinement ceux qui viennent solliciter leur aide : en effet, ils ont été ou sont encore eux-mêmes accros à la drogue.

CRITIQUE
Charles-Henri Ramond

★★★

FILMER L’URGENCE

Il est des films qui, par leur capacité à magnifier la dureté de leur sujet, témoignent de la violence de notre monde avec une conviction que bien des reportages, thèses et grands discours n’auront jamais. The Stairs du canadien Hugh Gibson est de ceux-là. Tourné sur plusieurs années, ce documentaire capte avec une rare justesse la difficile réalité de trois travailleurs sociaux opérant dans le quartier de Regent Park à Toronto. Le parcours de Marty, Greg et Roxanne nous en fait voir de toutes les couleurs. Dépendance, viol, harcèlement, vie familiale impossible… chez eux, le quotidien est laid. Le fatalisme est peut-être de rigueur, mais il est vrai que leur combat est des plus ardus. Combien d’entre nous pourrions supporter ce tiraillement de tous les jours, et qui, comme le laisse entrevoir Marty dans une très poignante séquence finale, le restera probablement éternellement ?

La grande force de ce film, outre sa possibilité de faire naître chez certains une petite lueur d’espoir, est d’éduquer sans juger, d’informer sans que le propos ne soit circonstancié, adouci, changé, passé au tordeur des voix officielles. Car ici, point de docteurs, de spécialistes ou de sociologues. C’est la rue qui parle, sans détour ni langue de bois. The Stairs défie donc les discours habituels en montrant la réalité sans fards. Non seulement ces trois personnes sont en prise directe avec un public délaissé par les autorités (et même dénigré ou battu par la police), mais en plus ils sont eux-mêmes encore pris en tenaille par leurs problèmes de consommation.

Grâce à son média, Gibson se fait lui aussi intervenant social.
Il s’insère dans l’action en entretenant avec son sujet un dialogue
constant, au moins une écoute attentive et non moralisatrice.

La mise en scène de Gibson est à l’image de ses protagonistes, frontale, sans faux-fuyants. Les visages occupent bien souvent tout l’écran, laissant la place à la puissance évocatrice des mots, au détriment de plans séquences auteuristes ou autres images léchées. Le filmage, comme la vie à Regent Park, naît de l’urgence. Grâce à son média, Gibson se fait lui aussi intervenant social. Il s’insère dans l’action en entretenant avec son sujet un dialogue constant, au moins une écoute attentive et non moralisatrice. Un peu comme un reporter de guerre qui soulagerait un blessé en même temps qu’il le filme.

The Stairs a remporté deux mentions aux derniers RIDM et a été nommé Meilleur film canadien par l’Association des critiques torontois. C’est tout dire de l’importance de cette œuvre parfois difficile à supporter, mais ô combien nécessaire pour combattre les idées reçues sur le monde de la drogue et de la prostitution.

Sortie : vendredi 16 mars
V.o. : anglais ; s.-t.f.

Réalisation
Hugh Gibson

Genre : Documentaire Origine : Canada – Année : 2016 – Durée : 1 h 35 – Dist. : Midnight Lamp Films.

Horaires & info.
@ Cinémathèque québécoise

Classement
NC
(Non classifié / Exempté)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais½ [Entre-deux-cotes]

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