En salle

La villa

29 mars 2018

| PRIMEUR |
Semaine du 30 mars au 5 avril 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Sur le bord de la Méditerranée, près de Marseille, trois frères et sœur sont réunis pour veiller sur leur père, Maurice, victime d’un accident cérébral.

CRITIQUE
| Élie Castiel |

★★★★

DANS LA CALANQUE DE MÉJEAN

Serait-ce vraiment un chant du cygne ? Mais pas au sens où on l’entend normalement, au contraire, prendre conscience que faire évoluer le même magnifique groupe de comédiens au même endroit n’est plus viable. Car avant tout, La villa est la fin d’une époque, comme un épilogue d’une tristesse poétique qui, pour ceux qui ont suivi la saga guédiguianenne (est-ce le bon mot ? – Qu’importe, vous savez bien de quoi je parle) est une réappropriation et en même temps un abandon du temps. Accepter que les années passent et que ne restent que les souvenirs.

Et l’endroit, une Méditerranée d’hier, douce, avenante, a été remplacée par un tombeau où finissent ces migrants venus de terres gérées par de nouveaux tsars, des oligarques puissants et incultes. On n’en parle pas si directement dans le film (sauf dans un épisode émouvant), mais c’est évident. Car les maux pas si importants de cette petite communauté représentée ne sont rien en comparaison à un nouveau monde issu définitivement d’une mondialisation qui n’est en sorte qu’un travesti de colonisation. Les victimes : tous, sauf ceux qui détiennent le pouvoir économique.

Ce n’est pas tant la mort des individus qui émeut le plus (comme ce merveilleux vieux couple qui n’a jamais cessé de croire en une humanité collective), mais les changements que traversent les lieux, dans une villa perchée dans une calanque pas si loin de Marseille, où avant la mondialisation, la possibilité d’un socialisme humain survivait, avec ses idéaux, ses amours, mais aussi ses préjugés – des remarques comme « Bougnoules » et « Juifs coriaces » sont encore là pour nous le rappeler, même si on finit par regretter.

Peut-on à la fois vivre au présent et savourer encore les
souvenirs indicibles d’une mémoire qui nous échappent un
peu  plus chaque jour ? Oui, à condition de savoir doser.
La jeunesse est sans doute là pour nous le rappeler.
Mais l’est-elle vraiment ?

Et si après tout, l’univers de Guédiguian n’aurait été que la préservation d’un mode de vie, peu conforme à l’héritage d’aujourd’hui, non apte aux changements survenus depuis les deux dernières décennies ? Et pourtant, la mélancolie et la nostalgie de cette mer à la fois douce et tumultueuse nous rattrapent ; à tel point que le soleil, même brillant n’est plus le même, cachant un voile de faux pessimisme chez ces personnages qui semblent venir d’une autre époque.

Et qui s’évertuent à parler une langue à la Pagnol, ou presque, fiers de leurs origines, convoquant le spectateur à accepter ces denrées rares venues des Grecs, mais qui contribuent aussi à souligner notre humanité, mélancolie et nostalgie. Aujourd’hui, ces valeurs de l’âme sont perdues, laissées aux héros et héroïnes des produits cinématographiques Marvel, annonçant des lendemains cruels. À moins que les consciences se réveillent. Et ce chemin de fer qui semble différent à chaque fois, et qui ne cesse de passer, nous rappelant la constante traversée du temps. Un film d’une beauté fragile, triste à en pleurer. Mais quel bien cela fait !

Peut-on à la fois vivre au présent et savourer encore les souvenirs indicibles d’une mémoire qui nous échappent un peu plus chaque jour ? Oui, à condition de savoir doser. La jeunesse est sans doute là pour nous le rappeler. Mais l’est-elle vraiment ?

Sortie : vendredi 30 mars
V.o. : français

Réalisation
Robert Guédiguian

Genre : Drame Origine : FranceAnnée : 2017Durée : 1 h 47Dist. : MK2 | Mile End.

Horaires & info.
@ Cinéma BeaubienCineplex

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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