12 avril 2018
Les premières images portant sur un jeu vidéo donnent déjà le ton. Palme d’or à Cannes en 2008 pour Entre les murs (Séquences, nº 258, Janvier-Février 2009), Laurent Cantet signe avec L’atelier une œuvre phare de son répertoire, tant par l’originalité du propos que par sa mise en scène rigoureuse, ne privilégiant aucun moment mort, prise entre deux fictions; d’une part, l’atelier d’écriture donné par une romancière réputé à quelques jeunes en insertion, à la Ciotat, au sud de la France. De l’autre, un thriller qui, à un moment, nous laisse croire qu’il n’est qu’une mise en abyme de l’écriture en gestation. Non pas un champ/contrechamp, mais au contraire, une frontalité face au sujet, qui bouge, s’invente, se réinvente et octroie à chaque mots une signification particulière.
Car L’atelier est un film sur la création, sur les frontières entre la fiction et le réel, le fantasmé et le subjectif, entre le public et le privé. Et qui confirme que l’écriture, qu’il s’agisse de romans, de critiques, d’essais… est le rapport entre l’auteur et le monde qu’il se crée, un dialogue intime qui a à voir avec la vie, la folie, le dépassement et plus que tout, la réincarnation du monde.
C’est aussi ce qui explique la tension entre Antoine (parfait Matthieu Lucci) et ses camarades (tous des non professionnels, admirables), et l’écrivaine (très efficace Marine Foïs), qui ne sait plus sur quel pied danser. Et c’est là où transparaît la véritable authenticité du film, sa raison d’être. Chez chacun des participants, à travers les idées de fiction qu’ils proposent, une façon de se voir eux-mêmes.
Si L’atelier aborde des sujets actuels comme la radicalisation et les mouvements d’extrême droite, c’est sans trop les souligner. Nous sommes devant un film plus suggestif qu’illustratif, proposant des pistes, mais laissant toutefois aux spectateurs le soin de faire ses propres conclusions.
Entre la beauté lumineuse des lieux et le récit en gestation, un contraste hallucinant qui, d’une certaine façon, explique la fin du film qui rompt abruptement avec le concept de catharsis. Par ailleurs, on soulignera la direction photo de Pierre Milon, par moments, homoérotique, caressant le corps du jeune Lucci comme une statue antique sortie des ondes, en parfait état. Car après tout, L’atelier est aussi un très beau film sur l’ambivalence des êtres, des sentiments et de la raison. Sans oublier qu’à travers les différentes suggestions de récit, se glissent des notions sur les changements sociaux et politiques en France, et tout particulièrement à la Ciotat, jadis ville industrielle.
Aujourd’hui, toujours le même combat, mais pas avec la même passion. Dans un sens, L’atelier est un film triste et bouleversant.
Réalisation
Laurent Cantet
Genre : Drame – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 53 – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Accès autorisé si accompagnés d’un adulte)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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