27 avril 2018
Cette rencontre avec Jean Beaudry est réalisée à l’occasion de la sortie de son moyen métrage documentaire, François Barbeau : Créateur de costumes. Réalisateur discret, Beaudry appartient à cette génération que le cinéma semble avoir oublié. La relève préoccupe tellement les décideurs que ceux qui ont compté doivent prier les cieux pour continuer un métier qui leur tient à cœur. Quelque chose est claire : pour un petit pays comme le Québec, en matière de culture, l’offre est considérablement supérieure à la demande. Un nouveau projet culturel est essentiel. En attendant, nous avons posé quelques questions à un Jean Beaudry, toujours accueillant, comme au premier jour.
Entre le milieu des années 80 et aujourd’hui, sept films à votre actif. À votre avis, comment cela s’explique-t-il?
Oui, en effet, ça fait mal, mais pas trop. C’est vrai qu’il y a eu des projets que je n’ai pas pu faire, qui ont avorté avant même qu’ils ne deviennent scénarios. En fait, j’ai toujours ce projet de Salut Galarneau! adaptation du roman de Jacques Godbout que j’ai développée avec Marcel Simard. Lorsqu’il s’est suicidé, tout s’est figé et l’idée est tombée dans les limbes. Il est indéniable qu’à un certain moment, on voulait la relève, de nouveaux visages en harmonie avec les changements d’époque. Le temps passe et des projets disparaissent. Mais cette adaptation, elle me tient encore à cœur.
Vous avez commencé avec deux films annonciateurs d’un nouveau cinéma québécois, Jacques et Novembre et Les matins infidèles, pour ensuite faire du Conte pour tous. Un changement plutôt radical.
Il y a un élément important dont il faut se rappeler; ses deux premiers films étaient des coréalisations et d’une certaine façon, ce n’était plus possible, sans raisons négatives, et pour moi et pour François Bouvier, de continuer cette aventure. Pour le reste, c’est de l’histoire.
Pour revenir à François Barbeau, il s’agit quand même d’un artiste plus connu du grand public que les autres. L’approche du sujet a-t-elle été différente.
Bonne question, mais je tiens à rectifier un peu le tir. C’est vrai que son nom est plus connu, parce que soixante ans de carrière, c’est rare de nos jours, quel que soit notre métier. Mais en fait, le tournage a commencé avant sa mort, subite, qui a tout fait basculer. Un moment bouleversant. Il fallait cependant que le projet aboutisse, devenant, pour ainsi dire, un hommage posthume. Mais il faut préciser que le projet a germé dans ma tête depuis les années 90; et en 2012, à Prague, lors de la Quadriennale de la scénographie, où l’Association des professionnels de la scène rendait un hommage à Barbeau, j’ai eu la chance de le rencontrer. Il a d’abord gentiment refusé de participer à un projet de tournage sur son travail. Mais par la suite, tout s’est très bien passé. Barbeau était d’une culture fascinante. Chez lui, tout laissait transparaître sa relation avec les diverses disciplines de la mouvance artistique qui ont inspiré les maquettes de ses costumes et de son travail en général.
Mais en même temps, nous découvrons un personnage « terre à terre » qui en fait, fait partie de l’ADN québécois.
Oui, en effet. Mais il faut souligner qu’il a également travaillé à la Comédie-Française. D’ailleurs, il rapportait les différences entre son attitude face au métier et celle des costumiers et costumières de cette institution hexagonale.
Mais au fond, il me semble que la scène le fascinait beaucoup plus que le cinéma.|
Sans doute, parce que le théâtre lui permettait de « s’envoyer en l’air » (à ne pas prendre péjorativement) plus librement et là où la création est plus attentive au moindre détail.
Et pourtant, malgré tout, François Barbeau appartient à ces inventeurs indicibles, qu’on ne voit
Effectivement, de bonne foi, il a déjà dit que la première chose que les spectateurs voient lorsque le rideau se lève, ce sont les costumes que portent les comédiens. Un moment évanescent qui disparaît lorsque les premières paroles sont prononcées.
Jamais pensée ne fut si claire!
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.