31 mai 2018
Si d’une part, La chute de Sparte est l’adaptation à l’écran du roman de Sébastien Fréchette (alias Biz, du groupe Loco Locass), force est de souligner qu’il nous est permis de prendre le film pour ce qu’il est… un film d’ados tout simplement. Et peut-être prendre l’habitude de considérer à part entière chacun de ces deux expressions narratives, le livre et le cinéma. D’autant plus que le scénario est cosigné par l’auteur du roman lui-même et que les possibles alternatives narratives qui s’imposent sont, on présume, consenties par les deux acolytes.
La voix off devient ici non seulement essentielle, mais salutaire, permettant l’ellipse des longues descriptions littéraires. Le rythme du film devient ainsi surprenant, fidèle aux lieux, à l’action soutenue, et durée oblige, à l’absence de scènes redondantes. Il ne peut être autrement dans une polyvalente où chez la majorité des jeunes, notamment les garçons, les hormones se développent quotidiennement, pas besoin de les provoquer. La conventionalité du récit ne fait que suivre le genre comédie/drame sentimental où les enjeux seront les mêmes, soit le célèbre boy sees girl – boy loves girl – boy fights for girl – boy gets girl. En quelque sorte, suivre traditionnellement les codes de la séduction des premières amours. Sur ce point, Tristan Dubois dirige allègrement ses comédiens, tous et toutes, entre leurs classes, revendiquant un terrain de récréation qu’ils transforment en un territoire qui leur est propre, sans la présence d’autorité, du moins métaphoriquement.
D’autre part, il y a dans le personnage de Steeve Simard (surprenant Lévi Doré, mélange de naïveté et de force intérieure), un prénom qu’il interroge expréssement dû aux deux « e » que ses parents lui on accolés, un mélange de souffrance, d’imagination et de candeur sans fausse modestie. Sa correspondance imaginée avec les héros Spartiates de la Grèce antique n’est en fin de compte qu’un retour, avouons-le, un peu maladroit mais adorablement débordant d’inventivité, aux sources de la civilisation, faite de combats et de conquêtes. Mais elle est franche et prend dans le film de Dubois, la forme d’une incantation divine jouissivement mélodramatique, pour ne pas dire tragique.
Quoi de plus cliché que Simard comme nom, mais un personnage original qui s’intéresse, par miracle, à la lecture et à autre chose que les clichés associés aux jeunes de son âge, comme le peu d’intérêt pour le côté sacré du sport, que les autres voient comme une véritable hérésie. Message un peu candide, certes, mais belle leçon d’éthique culturelle par les temps qui courent. Le cellulaire, les chearleaders et le fanatisme qu’on exerce sur nos équipes favorites peuvent enfin prendre un petit repos bien mérité. Et si La chute de Sparte était après tout un film socialement politique ?
Un épisode dramatique sur deux personnages (très masculins) homosexuels (on ne vous dira pas plus) est montré subtilement, avec respect, et nous dis long sur la situation LGBTQ dans les polyvalentes. Sur ce point, rien ne semble avoir vraiment évolué, ou tout au plus, peu ou pas du tout. Premier long métrage du Québécois Tristan Dubois, d’origine suisse, La chute de Sparte est d’un charme suranné qui réjouit le cœur et élève l’esprit. En somme, pour ces jeunes, l’aphorisme est pour chacun de suivre son propre chemin et, surtout, ne pas céder aux obstacles de terrains trop souvent glissants. Étonnamment réussi.
Réalisation
Tristan Dubois
Sortie
vendredi 1er juin 2018
Version originale
français ; s.-t.a.
The Fall of Sparta
Genre : Drame
Origine : Québec [Canada]
Année : 2018
Durée : 1 h 33
Dist. : Filmoption International
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]
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