12 juillet 2018
On pense bien sûr à Judith Susan Sheindlin, plus connue sous le vocable de Judge Judy, femme de loi dans la télésérie-réalité du même nom et bien entendu, temps et pays obligent, beaucoup mieux rémunérée que cette Ni juge, ni soumise belge.
Mais mêmes réparties, aucun filtre (ou presque), plutôt des leçons de comportement dont une grande partie de la population en a bien besoin de nos jours. La juge Anne Gruwez, comme son homologue américaine, n’a pas la langue dans sa poche. Elle sourit quand même un peu plus et paraît parfois bien comprendre ce qui pousse les accusé(es) à agir de la sorte. Mais la loi, c’est la loi.
À l’accusé turc à qui elle s’adresse en lui rappelant qu’il doit épouser les coutumes du pays, plutôt que le contraire, il y a là un exposé sur les accommodements raisonnables qui résonne on ne peut plus vrai. Lorsqu’on quitte un pays pour s’installer dans un autre, il faut avoir la décence de s’intégrer aux (bonnes) mœurs du territoire-hôte.
Mais il y a aussi une mise en scène minutieuse de Jean Libon et d’Yves Hinant. Oscillant adroitement entre fiction, documentaire et reportage (on évitera de parler de l’émission-culte belge Strip-Tease – tous l’ont déjà fait), Ni juge, ni soumise est un voyage hallucinant dans la psyché humaine, dans cet intérieur insondable. Comme en témoigne cette confession hyperréaliste de la mère infanticide. Elle défend sa cause comme s’il s’agissait d’un film de fiction, magnifiquement écrit, interprété comme au théâtre ou au cinéma. Phrases prononcées en un français impeccable, à la limite, quasi philosophiques. La Médée d’Euripide n’est pas si loin de là; la tragédie prend son envol quotidien comme dans les textes antiques. Et nous somme là, au 21e siècle, dans le bureau d’une juge d’instruction, humaine mais impitoyable, et qui se révèle une excellente actrice. La rhétorique prend d’assaut la vie.
La fiction aussi se transforme ainsi en cinéma-réalité, embrasse des libertés extrêmes avec certaines situations et mine de rien, nous conduit dans les bancs d’université, suivant un cours de pédagogie sociale. Dans cet amalgame de ce jeu entre la vérité et le mensonge, un des accusés promet qu’après la prison, il ira rejoindre ses frères d’arme en Syrie. Ça fait peur!
Course aux preuves, sous la forme de témoignages, d’ADN sur des corps morts déformés et certains encore relativement préservés malgré le passage du temps, de mises en contextes, de photos d’enquête, d’historique familial. Mais une chose est bien claire et non négociable : le politiquement correct n’a absolument pas sa place ici. Pour les âmes trop sensibles, s’abstenir. Pour le rédacteur de ces lignes, la liberté d’être et le dur désir de dire s’expriment admirablement, sans frontières.
MISE AUX POINTS
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