6 septembre 2018
Second long métrage de fiction d’Amélie van Elmbt (La tête la première, sorti en 2013 en France et inédit au Québec), Drôle de père affiche d’emblée sa filiation avec les frères Dardenne. Le fait que le duo de cinéastes belges agisse ici à titre de producteur n’est sans doute pas étranger à notre impression. On retrouve en effet dans le récit de cet homme en quête de rachat des résonnances évidentes avec le style épuré que l’on aime tant chez les auteurs de Rosetta ou Le silence de Lorna qui permet à Van Elmbt de proposer une œuvre désarmante de simplicité, traversée de douceur et de ce qu’on pourrait presque qualifier de sérénité.
La réalisatrice n’a en effet pas l’intention de se lancer dans le conflit qui oppose Antoine le papa refaisant surface (l’impeccable Thomas Blanchard) à Camille, la mère laissée seule (la toujours émotive Judith Chemla). Tout au plus, quelques réprimandes par téléphone indiqueront les divergences de vue des deux conjoints désunis. Pas de cris, pas de larmes, encore moins d’explications douloureuses. Un refus de psychodrame qui se démarque facilement du cinéma psychologique traditionnel.
Car ce qui préoccupe van Elmbt c’est avant tout de suivre Antoine et de regarder la résurgence d’une cette paternité tardive, improbable. Le fuyard se retrouve donc, pour quelques heures, face à face avec sa gamine (incarnée par la croquante Lola Doillon), dans une relation bercée d’illusions. Illusion sur sa capacité à assumer enfin ses responsabilités, illusion aussi sur la possibilité d’un couple renaissant. Van Elmbt a pris un risque narratif en ne mettant en scène que les tout petits riens d’une vie « normale » avec un naturel désarmant, faisant ainsi ressortir avec délicatesse l’intangible instinct protecteur d’un papa envers sa fillette.
Mais – on le comprend dès le début – le bonheur ne sera qu’éphémère. Alors autant en profiter jusqu’au bout, sans trop se soucier de ce qu’il faudrait ou non faire si l’on était un vrai père. La réalisatrice cadre ses comédiens en plan serré, les regarde dans leurs gestes ordinaires, tente de capturer la fugacité des instants de complicité partagée. À l’instar de sa (très voyante) métaphore de l’éléphant et du papillon qui donne le titre international au film, Drôle de père c’est la rédemption qui essaye d’apprivoiser la culpabilité. Certes, c’est une réunion familiale idéalisée, presque naïve, en tout état de cause infiniment touchante et très apaisante.
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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