10 septembre 2018
DUCEPPE, sous la gouverne de nouveaux jeunes dirigeants, entame la saison 2018-2019 sous le signe de la politique. Plus que tout autre conflit mondial, l’israélo-palestinien est celui qui soulève le plus de passion; la raison : bien simple, car les trois confessions monothéistes sont les protagonistes de ce conflit multidimensionnel, englobant territoire, religion, identitaire et, peu évoqué, pouvoir économique. Sans oublier la mainmise par les États-Unis d’Amérique.
Pour les critiques de cette version québécoise, peut-être un peu trop axé sur un humour particulier, la langue d’ici, heureusement, y est pour quelque chose. C’est d’ailleurs, dans la presque totalité des traductions québécoises des quelques dernières années que réside chez les traducteurs, une réappropriation du parler québécois comme faisant partie de langue du monde. Et c’est tans mieux ainsi! Universalisée, elle retrouve ses valeurs d’antan, souvent repoussées par une période où infériorité linguistique se conjuge à l’Histoire.
Fini ce temps. Le Québec, culturellement, s’impose. Autant pour Édith Patenaude (brillante metteure en scène) que pour David Laurin, traducteur (et un des deux dirigeants, avec Jean-Simon Traversy, du nouveau DUCEPPE), le texte original de J.T. Rogers est transformé, en filigrane, en une réflexion nationale sur l’état des lieux culturel au Québec. Les récentes controverses ne sont pas loin, voir même trop proches.
Mais toujours ici, les origines identitaires des comédiens se joignent comme par magie pour former un tout cohérent : les Ifergan, Guerinik et Tadros se joignent aux Bilodeau, Blais, Casabonne et autres Bourgeois et Gagnon de ce monde. Belle initiative des concepteurs du spectacle qui donnent la parole aux autres. La symbiose est irréprochable.
Et puis, un conflit qui s’envenime depuis des décennies, qui a failli presque bien tourner, sauf que… À qui la faute? Pour en parler, le décor imaginatif d’Odile Gamache est représenté par de larges accessoires de bureaux pensés par Normand Blais. Bois, métal et autres ingrédients se concrétisent dans un espace scénique, presque liturgique, où tout peut arriver.
Les comédiens les déplacent de la scène, pour les remettre, selon les situations, dans des lieux différents, confirmant ainsi la vulnérabilité et la complexité du conflit. Le principal terrain des ces négociations ressemble à une véritable War Room (salle de guerre) où quelques individus décident de l’avenir du monde. L’humain n’est pas mentionné. Aucunement, pour plutôt discuter de stratégie, de victoires possibles, de paix fragiles. Comme dans un tribunal où a lieu un procès. Humain, trop humain.
Il s’agit d’un thriller, d’une pièce de guerre, comme on pourrait dire « film de guerre » où tous les comédiens, sans exception formulent leur savoir-faire pour non seulement rendre compte de la tension des ces journées de fragile solution au conflit, mais tout aussi conscients de leurs jeu (parfois multiple) dans une territoire scénique qui n’a rien à voir avec la réalité.
Osons le dire, il y a du Stanley Kubrick dans Oslo, celui de Dr. Strangelove (Docteur Folamour), datant de 1964 où d’une seconde à l’autre, tout peut éclater. Un seul léger bémol. La présence de musiciens, mode-jazz, baissant sans doute la tension des enjeux soulevés. Mais bon… ! Il ne faut surtout pas parler de ce qui se passe vraiment dans la pièce en termes de ces renversements de situations, d’intérêts personnels et avant tout, de l’importance de Jérusalem, la cité tant convoitée qui n’a jamais cessé de pleurer ses multiples invasions et ses morts, quelles que soient leurs origines. En effet, comme le dit l’affiche de la pièce, « à qui Jérusalem? »
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]
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