14 octobre 2018
Un nom connu de la scène anglophone internationale, à retenir et à adapter dans d’autres langues. À juste titre, puisque ses écrits libérateurs sont porteurs d’espoir, imprégnés des expériences multiples de la négritude, ces modèles qui ont pour objectif d’affranchir la parole autre et l’édifier. Comme sa pièce Moonlight Black Boys Look Blue, source d’inspiration de l’oscarisé Moonlight, le magnifique film de Barry Jenkins.
Mais ce qui étonne le plus chez Tarell Alvin McCraney, c’est son courage admirable de situer l’expérience afro-américaine (en fait, -américaine ou -autre) dans la dramaturgie queer, proposant une sorte de double défoulement, une mise en abyme identitaire efficace. Libérer l’orientation sexuelle à l’intérieur du sociétal, et plus particulièrement au sein de la communauté noire, frileuse dans ce domaine. Belle proposition qui, textuellement, convainc dans le cas de Choir Boy, mais suscite paradoxalement une sorte de réaction contraire, difficile à identifier.
Décors aidant, grâce à une Rachel Forbes inspirée, qui peut être également fière de ses costumes, la mise en scène de Mike Payette se centralise essentiellement autour du chant choral, étape importante dans cette pièce sur la tolérance et l’identitaire sexuel, mais au détriment des quelques scènes parlées, parfois sans véritable émotion. Un je-ne-sais-quoi qui manque. À qui la faute ? Aux comédiens, peut-être intimidés par le sujet ? Probablement que ce n’est pas le cas. On l’espère du moins. Au metteur en scène, qui aurait dû prendre plus de risque ?
Entre l’imaginé et le vécu, une ligne de démarcation qui fait souvent défaut. Choir Boy aurait dû être plus ouvert ; mais nous oublions que nous vivons dans une société de plus en plus conservatrice qui ne réprime pas tant que ça la violence, mais exclut en quelque sorte la sexualité affranchie. En 2018, le public n’est pas préparé à la controverse, alors que les années 70 étaient beaucoup plus aérées sur ce point. Bon souvenir d’avoir vu le sexy Oh ! Calcutta ! , du britannique Kenneth Tynan, sur la scène même du Centaur et qui affichait « interdit aux moins de 18 ans ». Ici, on navigue entre la prudence et l’accommodement. Plaire à tous sans se faire plaisir. Du moins, on est en droit de se poser la question.
Avouons tout de même que Stephen Charles s’acquitte admirablement bien de sa tâche, ouvrons son cœur avec une digne humilité. Langage du corps dégagé de la droiture politique, quoique prudent. Sincérité. Prestance. Bons points aussi pour ses acolytes. On aime Choir Boy, mais dans le même temps, on hésite. Quelle en ait la cause ? Difficile à déchiffrer. Mais peut-être que c’était l’intention totalement assumée de Mike Payette, dont la réputation dans la scène anglophone n’est plus à faire.
Quoi qu’il en soit, voici une écriture qui ouvre grand les portes à la diversité culturelle, non pas en la plaçant dans une cour à part vilainement communautariste, mais en l’intégrant normalement dans la sphère culturelle hégémonique. En quelque sorte, la faisant citoyenne à part entière. À bon entendeur, salut ! Certains interlocuteurs ont sans aucun doute tout à fait compris.
Texte
Tarell Alvin McCraney
Mise en scène
Mike Payette
Assistance à la mise en scène / Régie
Dayane Ntibarikure
Assistance à la régie
Isabel Quintero Faia
—
Décors
Rachel Forbes
Costumes
Rachel Forbes
Éclairages
André Lundy
Direction musicale
Floyd Ricketts
—
Distribution
Patrick Abellard, Vlad Alexis
Quincy Armorer, Steven Charles
Lyndz Dantiste, Christopher Parker
Paul Rainville
—
Durée
1 h 30
(Sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 28 octobre 2018
Centaur.
—
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.