21 décembre 2018
Indéniablement, avec Roma, d’Alfonso Cuarón, The Favourite se situe parmi les meilleurs films de 2018. Raffiné et provocateur, jouissivement débauché, excessif – comme ses premiers films grecs, dont Canine / Kynodontas demeure un exemple criand. Deuxième long métrange en anglais de Lanthimos, voici un tour de force admirable qui, tout en conservant sa fort louable originalité évoque le meilleur de Peter Greenaway dans son cynisme, son portrait vitriolique face à une société décadente, et par moments, en filigrane, fait peut-être penser à l’un des plus beaux fleurons de Stanley Kubrick, Barry Lyndon.
Et pourtant, la constante du cinéaste entamée depuis ses débuts est là, intacte, ne reculant devant rien pour étaler sa grécité si on observe de bien près. D’où un refus de compromis avec les pays coproducteurs, les États-Unis, l’Irlande et la Grande-Bretagne. Film libre dans sa conception, sa structure formelle, sa narration intentionnellement subversive, sa prise de position sur la femme, ses tours de magie, ses complots, sa désinvolture, mais en même temps une admiration pour leur pouvoir de séduction, entre elles, avec les hommes, avec la mouvance de la vie.
Le baroque néerlandais Vermeer est convoqué dans la structure des plans, privilégiant comme le peintre, l’anecdotique, mais en le transcendant à sa guise comme moyen de situer l’Histoire – ces plans seront en position frontale, contrastant avec une caméra autrement plus agile et volontairement inquisitrice, car rien n’est laissé au hasard.
Également, de fréquentes contre-plongées, ici des partis paris esthétiques et parfois nébuleux qui soulignent l’Histoire, une époque et dans le même temps une idée du cinéma qui ferait honneur, par exemple, à un Alexandre Sokourov.
Et bien entendu, trois actrices magnifiques sans qu’aucune ne vole la vedette, s’admirant l’une et l’autre malgré leurs oppositions dans ce jeu de pouvoir, de séduction et d’opportunisme qui ressemble plus à un puzzle psychologique ou encore mieux à des boîtes de Pandore laissées ouvertes ; effectivement, cette Ève de la mythologie grecque à qui Zeus a interdit d’ouvrir la fameuse jarre et qui a pourtant désobei, tout comme sa semblable judéo-chrétienne avec la pomme.
On peut cependant se demander si après ces trois brillantes incursions en territoire anglophone, Lanthimos retournera tourner en Grèce pour faire honneur à son pays? Quoi qu’il en soit, il a toujours réussi à combler une des missions du cinéma : la totale adhésion et l’engagement actif et intellectuellement exigeant du spectateur.
Sortie
Vendredi 14 décembre 2018
Langue(s)
V.o. : anglais ; s.-t.f. / Version française
La favorite
Réal.
Yorgos Lanthimos
Genre
Drame historique
Origine(s)
Grande-Bretagne / Irlande / États-Unis
Année : 2018 – Durée : 2 h
Dist.
Fox Searchlight
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
Info. @
Cineplex
Cinéma du Parc
[ dès le vendredi 21 décembre ]
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]
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