17 septembre 2019
Lorsque Dominique Leduc (rôle de Maman) entre en scène et dit son désarroi, sa douleur, ce sentiment de perte irrévocable, c’est à ce moment que l’art d’interprétation reprend ses droits, illumine la scène, rejoint le spectateur jusqu’à lui faire oublier ses doutes ou encore mieux son intrusion en territoire inconnu.
Effectivement, neuf amazones, neuf guerrières, toutes des millénariales, entre 16 et 17 ans, toute prêtes à tout pour affronter l’équipe rivale en foot (autrement dit, soccer). Ici, il est question des multiples pratiques et réchauffements avant La Game. Moments propices à valider leur virilité acquise depuis des années, sans doute dès l’enfance. Signes d’un nouveau temps où les genres n’ont plus aucun sens. Le féminin se juxtapose au masculin, mais par vice-versa (c’est bien bizarre).
N’est-ce pas là une façon de confirmer que la force, le pouvoir, la domination, l’agression, la quête éperdue de la victoire est ce qui compte le plus en société.? En quelque sorte, des valeurs autrefois masculines qui se trouvent aujourd’hui dans le domaine de tous les possibles.
Étrange pièce que celle de Sarah Delappe, gagnante de plusieurs récompenses, justement parce qu’elle est totalement au diapason de son époque, collée à son temps. Elle est sans concessions, impudique, morale dans le même temps. Elle expose des jeunes femmes qui ont déjà décidé de leur avenir ou du moins prétendent.
D’où ce long bavardage sur les choses de « leurs » vies. Elles regardent ce qu’offre Netflix (l’ennemi juré du cinéma traditionnel), elles carburent en lisant la série des Harry Potter (puisque là, les filles et les garçons sont muni(es) des mêmes pouvoirs), on parle de ses règles mensuelles avec le plus grand naturel, on ne murmure pas le mot avortement. Et puis, on a droit à une multitude du mot genre dans presque chaque phrase prononcée.
Et puis, bien entendu, il faut prendre le temps de faire des mouvements préparatifs avant le tournoi tant attendu. Entre ces gestes guerriers, on prend le temps de jouir de chaque instant, mais on se fâche aussi, on s’autofélicite quelque que soit le moindre geste accompli.
La traduction de Fanny Britt rejoint cette génération en particulier (il n’est donc pas surprenant que la plupart des représentations affichent déjà complet), ce qui nuit parfois à la compréhension de certains passages, parce que d’une certaine façon, on parle une autre langue en « avalant » souvent les mots. Mais peu importe cette lacune. Solène Paré se permet une mise en scène libre. Elle invente ses propres codes de mise en situations, déconstruit l’espace scénique et ne recule devant rien pour afficher son indépendance. Il y a, chez cette femme, quelque chose d’agréablement et de chaleureusement insolent.
Et cette bande de comédiennes ont magnifiquement compris le but de cet exercice périlleux. Mais lorsque vers la fin, Maman se présente avant de quitter le terrain à la suite d’un discours magnifiquement exprimé, les deux générations se rejoignent, prouvant au spectateur que la relation à la perte, les différentes formes d’émotion et le goût de vivre sont demeuré(es) des notions encore valides, mais aujourd’hui, on les exprime d’une autre façon.
Solène Paré se permet une mise en scène libre. Elle invente ses propres codes de mise en situations, déconstruit l’espace scénique et ne recule devant rien pour afficher son indépendance. Il y a, chez cette femme, quelque chose d’agréablement et de chaleureusement insolent.
Les louves est une pièce essentielle parce qu’atteinte de plusieurs urgences : montrer la rapidité des temps modernes, se prévaloir coûte que coûte par rapport aux autres, refuser catégoriquement la critique et chose bizarre, tout en voulant appartenir au groupe, conserver le désir intense et parfois machiavélique de se démarquer. Dans un sens, il s’agit d’une pièce politique. Elle ne fait qu’annoncer une nouvelle lignée de décideuses et de décideurs. Sensible, courageux et disons-le quand même, inquiétant.
ÉQUIPE
DE CRÉATION
< COMÉDIE NOIRE >
Texte
Sarah DeLappe
Traduction
Fanny Britt
Titre original
The Wolves
Mise en scène
Solène Paré
Assistance à la mise en scène
Suzanne Crocker
Scénographie
Robin Brazill
Costumes
Nicole Langlois
Éclairages
Martin Sirois
Musique
Alexander MacSween
Entraînement sportif
Joel Chancy
Distribution
Claudia Chan Tak (# 00), Claudia Chillis-Rivard (# 046)
Leïla Donabelle Kaze (# 13), Célia Gouin-Arsenault (# 14)
Stéphie Mazunya (# 08), Alice Moreault (# 07)
Noémie O’Farrell (# 025), Elisabeth Smith (# 02)
Zoé Tremblay-Bianco (# 11), Dominique Leduc (Maman)
Durée
1 h 25
(Sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 6 octobre 2019
Espace GO
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]
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