15 avril 2019
Au Québec, dans le domaine théâtral, le futur sera majoritairement femme si on en juge par l’ascension fulgurante des personnages et des auteures – oui, selon mes recherches, le féminin d’auteur sous cette appellation est accepté – féminines dans le domaine de la création. Encore du travail à faire, mais le vent ne cesser de tourner, et dans la bonne direction. Et c’est tant mieux!
Crédit photo : © Marie-Noël Pilon
D’autre part, les mythes grecs n’ont jamais étaient aussi présents qu’aujourd’hui, parce que classiques, éternels, puisant aux sources mêmes de l’humanité, de son devenir, de son rapport aux Dieux et aux individus. Dans l’écrit de l’Autrichienne Elfriede Jelinek, trois Eurydice, « celle qui fuit » (selon le programme), ou autrement dit interroge un présent empreint d’obstacles, de faux parcours, de retenues, tenant des paroles perçantes écrites par une plume qui déconstruit le système même de la pensée. Il y a aussi « celle qui écrit », alter ego sans doute de Jelinek. Et « celle qui arrache », s’adressant à un moment aux spectateurs et spectatrices pour recueillir finalement une réaction complice.
Trinité d’un même personnage-femme, trois générations qui se fondent en une, la femme. Et Orphée dans cette histoire? Un chanteur rock nourri des mythes fondateurs de sa profession. Quoi dire de plus? Puis une mise en scène signée Louis-Karl Tremblay, face à un texte puissant, abstrait, quasi surréaliste favorisant des situations proches de la chorégraphie, sommant les protagonistes à revoir les codes scéniques du comportement, de la gestuelle et de la voix. Le mythe grec et une descente aux enfers romantique, un amour déchu, une histoire quasi inventée pour dire l’affect dans le sens hellénique, car tout ne peut se dire ouvertement.\
Le décor, trois emplacements, et une porte en haut à la droite de la scène arrière comme lieu de concert d’Orphée, entrouverte. Le reste, une pièce qui résiste au courant traditionnel en transformant l’expérience théâtrale en quelque chose sorti de l’inconscient. Magnifiquement abstrait. Philosophique.
Et Orphée dans cette histoire? Un chanteur rock nourri des mythes fondateurs de sa profession. Quoi dire de plus?
Auteure : Elfriede Jelinek – Traduction : Sophie Andrée Herr, d’après Schatten (Eurydike sagt) – Mise en scène : Louis-Karl Tremblay – Assistance à la mise en scène : Mathieu Leroux –Éclairages / Vidéo : Robin Kittel-Ouimet – Scénographie / Costumes : Karine Galarneau – Musique : Steve Lalonde – Soutien chorégraphique : Marilyn Daoust – Distribution : Stéphanie Cardi, Macha Grenon, Louise Bédard, Pierre Kwenders – Prod. : Théâtre Point d’Orgue / Théâtre Prospero.
Durée
1 h 10
(Sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 27 avril 2019
@ Théâtre Prospero
(Grande salle).
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]
Avis
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[ COUP DE CŒUR ]
« Prix de la FIPRESCI »
La Mostra de Venise 2018
SUNSET
László Nemes
[ EN BREF ]
L’empereur de Paris
Jean-François Richet
Stockholm
Robert Budreau
The Best of Enemies
Robin Bissell
Ville Neuve
Félix Dufour Laperrière
[ SANS
COMMENTAIRES ]
After
Jenny Cage
Hellboy
Neil Marshall
L’Islam de mon enfance
Nadia Zouaoui
Little
Joshua Aaron Stringer
Tina Gordon Chism
Manje Bistre 2
Baljit Singh Deo
Master Z: Ip Man Legacy
Yuen Woo-Ping
Mia et le lion blanc
Gilles de Maistre
Missing Link
Chris Butler
[ PRÉ-SORTIES ]
Mercredi 17 avril 2019
Kalank
Abhishek Varman
V.o. : hindi / s.-t.a.
Stigma
—
Penguins
Alistair Fothergill
Jeff Wilson
V.o. : anglais / Version française
Pinguins
—
Jeudi 18 avril 2019
Breakthrough
Roxann Dawson
V.o. : anglais
—
The Curse of La Llorona
Michael Chavez
V.o. : anglais / Version française
La malédiction de Llorona
Info. @
Cineplex
Fiches détailées
Semaine du 19 au 25 avril 2019
Séquences
4 avril 2019
Avis
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[ LE FILM DE LA SEMAINE ]
« Grand prix du jury »
Berlinale 2019
GRÂCE À DIEU
François Ozon
[ CRITIQUES ]
Carmine Street Guitars
Ron Mann
Mad Dog Labine
Jonathan Beaulieu Cyr
Un amour impossible
Catherine Corsini
[ SANS COMMENTAIRES ]
P Storm
David Lam
Pet Sematary
Kevin Kölsch
Dennis Widmyer
Romeo Akbar Walter
Robbie Grewal
Shazam !
David F. Sandberg
Yaara Ve
Rakesh Mehta
[ PRÉ-SORTIES ]
Jeudi 11 avril 2019
Info. @
Cineplex
Hell Boy
Neil Marshall
V.o. : anglais / Version française
Hell Boy
—
Little
Tina Gordon Chism
V.o. : anglais / Version française
Petite
—
Manje Bistre 2
Baljit Singh Deo
V.o. : penjabi / s.-t.a.
Beds and Bedding 2 / Cots and Mattresses 2
Détails
Semaine du 12 au 18 avril 2019
Il n’est guère surprenant que l’essai poétique de Nadine Gomez débute par une citation de la politologue et philosophe germano-américaine Hannah Arendt, elle-même influencée par les écrits, entre autres, d’Aristote. Une phrase simple, mais de profonde portée « Nous humanisons ce qui se passe dans le monde et en nous, uniquement en en parlant, et, dans ce parler, nous apprenons à être humains… » Et puis, une entrée en matière, complainte d’une jeune femme en rapport à la disparition d’un être cher qui saura boucler le film avec la présence d’un homme qui se dirige vers un horizon incertain. Le monde, ainsi vu, par le biais d’une cité fondatrice, Athènes, là où tout a commencé, ville-emblème de cette civilisation occidentale qui, de nos jours, et à très grande vitesse, renvoit à la fin d’une conscience millénaire et le début d’une autre, inconnue, difficile à déchiffrer parce que nue, résistant à tout acte d’agression constructive qui consiste à enlever les masques déconcertants afin que nous puissions savoir où nous nous dirigeons.
Entre ces deux séquences émotives, la souffrance d’une femme devant la mort et le chagrin d’un homme pour son fils, en prison, un quartier de la ville des Dieux présenté comme un monde à part, Exarcheia, là où en 2008, des manifestations ont eu lieu en hommage à Alexandros Grigoropoulos, un adolescent de 15 ans tué par un agent de police d’Athènes, acte à peine évoqué dans le très beau film de 2011, Wasted Youth (qu’on pourrait traduire simplement par Jeunesse perdue), d’Argyris Papadimitropoulos et Jan Vogel.
Et puis, une échappée nocturne dans ce quartier pris entre la tourmente de la crise économique et l’obsession d’une réappropriation d’une âme grecque perdue. Comme décors, des murs remplis de graffitis, pour la plupart en grec, mais certains en anglais ou autres. Qu’importe. Revendicateurs, héroïques, provocateurs, pour faire réagir, pour simplement déconner, et pourquoi pas.
Et des individus choisis par Nadine Gomez qui parlent de leurs vies, leurs envies, le vide de l’existence. Serveuse de bars sans vraiment de clients, troupe d’un théâtre de fortune où l’art dramatique devient arme de résistance, spectateurs qui tentent d’oublier un présent rempli de larmes et sans promesses.
Et bien entendu, on parle aussi d’Alexis Tsípras, celui qui a tant promis et rien livré, à l’intérieur d’une Union européenne dominée par les Grands. Exarcheia, c’est aussi le quartier de prostituées (ici représentées par un transgenre ou peut-être travesti d’une beauté radieuse et qui a des choses intéressantes à dire), de flâneurs, de jeunes en short « ¾ » noirs qui foutent le bordel ou se comportent mal à juste titre, et de groupes de Heavy Metal qui se révoltent ou jouent leur musique pour de bonnes et parfois de mauvaises raisons.
Il fut un temps au 20e siècle où les Grecs quittaient leur pays pour un meilleur avenir à l’étranger. Aujourd’hui, le pays accueille (ou essaie) ceux et celles venu(es) de ce qu’on appelait jadis tiers-monde. Ce qu’on constate de plus émouvant dans Exarcheia, c’est le cri d’alarme lancé, des larmes de souffrance sans faire de bruit, celles de voir une civilisation disparaître devant la fausse pluralité du monde d’aujourd’hui, un pays sans réformes qui se laissent noyer. Racistes, xénophobes, les Grecs? Peut-être bien que oui ou peut-être bien que non? Mais une chose est claire : cet endroit du monde veut revivre.
Le film de Gomez ne le clame pas à haute voix, mais on le comprend entre chaque parole prononcée. Athènes est « une beauté blessée » dira une des interlocutrices. Elle respire sans exister, par accoutumance et non plus par fierté. La force du film réside aussi dans le choix des intervenants, des individus quasiment fantomatiques qui, pris dans la pénombre des nuits d’étés, déambulent dans ce quartier en ne sachant plus où se diriger.
C’est un film triste, bouleversant, déchirant, mais qui aborde aussi le thème si important de nos jours, la communication, l’oralité, le rapprochement vers l’autre. C’est filmé la nuit dans de couleurs chaudes, cadrant les moments et les personnages non pas en les épiant mais en les suivant dans leurs quêtes utopiques.
Exarcheia, un endroit particulier édifiant où l’avenir d’un pays se bâtit par le débat, toutes générations confondues, comme dans la Grèce antique.
Car même les rues, les murs, les immeubles se cherchent, parfois quasi dilapidés par le temps, l’Histoire. Quelques plans du ciel étoilé et de la lune qui n’a pas tiré sa révérence expliquent probablement que les Dieux, possessifs, et particulièrement Athéna, jalouse, ont abandonné cette partie de la ville, voire même sa ville, laissée à ceux qui n’ont plus rien, qui vivent le système de la débrouille et qui survivent par la parole et les gestes. Ils n’ont rien perdu de leur intelligence. Justement, ce plan final déjà évoqué qui sous-tend que la Grèce ne peut être sauvée qu’en revendiquant et en mettant en pratique les préceptes moraux et démocratiques de son ancienne civilisation.
C’est sans doute ce qu’a voulu dire une Nadine Gomez lucide, humaniste, utilisant le cinéma comme outil de conscientisation sociale et politique, revendiquant dans le même temps des préoccupations d’ordre esthétique. Comme s’il fallait récupérer le temps perdu depuis des siècles. Exarcheia, un endroit particulier édifiant où l’avenir d’un pays se bâtit par le débat, toutes générations confondues, comme dans la Grèce antique.
Crédit photos : © Les Films du 3 mars
Il a été beaucoup question du vocable « tyrannie » dans la rencontre avec l’équipe à la suite du spectacle. L’excellente explication de Crystal Pite suffisait. La grande Dame de la danse moderne fut claire, précise, ne jouant pas avec les mots, situant la danse, quelle qu’elle soit, dans un registre savamment contrôlé qui se permet le plus souvent des élans de rapports de force. C’est ainsi que se créent les chorégraphies les plus électrisantes.
Soirée de Première inoubliable sous le signe de la création dans sa forme la plus absolue. Une anecdote sous l’Empire du tsar de Russie devient pièce de théâtre avec tout ce que cela implique. On ne vous ennuiera pas avec des détails afin que vous puissiez savourer ce spectacle haut en couleurs. Suite
3 avril 2019
De deux choses l’une, ou on adhère à cette proposition qui n’en est pas une, ou au contraire, on tente de s’immiscer dans la tête de ces cinq personnages en quête d’auteur. Ce qui ne les empêche pas de parler, trop parler, de se disputer pour tout et pour rien, de passer du coq à l’âne comme si de rien n’était, de ne pas hésiter à embrouiller les pistes. Bien entendu, le verbe est présent, trop présent, ne cessant d’envahir l’espace exigu de la salle intime du Prospero, un des hauts lieux de toutes les expérimentations théâtrales.
Oussama, inutile de vous rappeler ce nom. Danger, refuge du mal, précurseur d’un après 11 septembre insoutenable qui a changé la donne politique à jamais et créé une nouvelle phobie, l’islamophobie.
… le verbe est présent, trop présent, ne cessant d’envahir l’espace exigu de la salle intime du Prospero, un des hauts lieux de toutes les expérimentations théâtrales.
Pour Dennis Kelly, l’auteur de Osama the Hero, traduit ici textuellement par Jean-François Rochon, Mon héros Oussama, un cratère d’explosion, une idée sortie d’une féconde imagination qui ne demande qu’à s’exprimer. D’où des paroles tenant de l’absurde, du néant des situations, de perversités morbides entre la nourriture (ou sa préparation) et la torture, entre le désir de la chair et son refus, entre l’Homme et la Femme. Entre la politique et le quotidien.
Nous sommes tous des assassins et tous aussi en danger, semble dire calmement Kelly, ne reculant devant rien pour, justement, enfreindre les codes de la dramaturgie en soulignant à gros traits les enjeux de la provocation. On ne cesse de crier et les comédiens semblent improviser. Ils n’ont guère le choix devant un texte aussi hétéroclite, anti-écriture, anarchique, rebelle.
30 mars 2019
Sa page Facebook indique qu’il a étudié à l’UdeM et qu’il travaille chez EJTstudio, sa propre boîte de production. Montréalais d’origine libanaise où il a également étudié le cinéma, il signe, avec Au gré du vent (By the Wind), un court métrage qui confirme un talent de faiseur d’images. Peu de dialogues, dire seulement ce qui est nécessaire, des mots par qui les psychologies se dévoilent « au gré du temps ». Pour qu’on ne retienne que l’essentiel. Un beau travail sur la temporalité.
Le Nord québécois, la neige, le vent, l’air pur hors des grandes villes. Et une maison aux couleurs brunes au bord d’un lac gelé, évidemment de ton blanc-neige. Une femme qui vit là en s’occupant de son fils Marc-André, autiste, déjà jeune adulte. Il ne dit pas un mot, sauf pour dire vers la fin « Maman, es-tu korek? ». Quelques paroles bouleversantes, parce que dites avec toute la sincérité et la tendresse du monde, inconditionnellement. Quelques moments de lucidité, de calme, de symbiose entre la mère et le fils. Avant cela, et dans ses moments de crise, il dérape, sa vision du monde est effacée, l’environnement est néfaste à ses yeux. Plus tard, à l’extérieur, il sourit, déambulant en plein paysage enneigé, en entendant les bruits de la nature sauvage et de l’eau. Deux réalités de sa condition.
Brillant exercice de la part de Tahchi, qui permet à Marc-André Casavant, comédien de théâtre, de se prononcer sur le jeu d’acteur par le biais du mouvement et de l’expression faciale. Il est cinémagénique, pour dire autrement photogénique. La direction photo de Simran Dewan le capte amoureusement, ainsi que Margot Bussières, la mère, prise entre son devoir maternel et une solitude inexplicable, victime du temps qui passe. Cette comédienne est intègre et se donne à ces moments difficiles à contenir. Dans le cas de Casavant, il mériterait une plus grande place dans le milieu, autant au cinéma qu’au théâtre. Dans Fontaine (voir ici), pièce de théâtre plutôt fringe (hors-normes), sa performance dépassait les limites du jeu et nous étions très favorable quant au côté ludique de l’entreprise. D’autant plus qu’elle était présentée dans un bar du centre-ville de Montréal, qui la rendait encore plus expérimentale.
Dans une séquence dans Au gré du vent , Marc-André prend dans sa main un VHS et non pas un DVD ou autre support, sans doute discours du cinéaste sur les images en mouvement et référence à l’âge de la mère dans le film, la soixantaine. Pour le spectateur d’aujourd’hui, un chaleureux regard sur un passé pas si lointain où le nombre des années ne semblait pas se compter et les changements technologiques se voyaient de très loin.
Et une finale prévisible, certes, mais au même temps annonçant un espoir perceptible. Comme si autant Eli Jean Tahchi, Margot Bussières et Marc-André Casavant défiaient le temps pour simplement le retenir, ne serait-ce que pour qu’ils puissent repartir à zéro.
Des moments subtilement douloureux dans ce court métrage, mais atténués par la musique de Martin Ferguson. Le spectateur est là, totalement intégré au récit, comme dans un rêve éveillé, un nuage qui disparaîtra sans qu’il s’en aperçoive. Et une finale prévisible, certes, mais au même temps annonçant un espoir perceptible. Comme si autant Eli Jean Tahchi, Margot Bussières et Marc-André Casavant défiaient le temps pour simplement le retenir, ne serait-ce que pour qu’ils puissent repartir à zéro.
Oui, recommencer par ses propres moyens. En faisant des recherches sur Tahchi, sa maison de production lui permet, en tant qu’artiste né « ailleurs » de s’assurer un avenir dans le milieu. Belle entreprise de sa part qui, par les temps qui courent, devrait inciter les créateurs des diverses diasporas. C’est autant une question d’équité que de survie intellectuelle et, pourquoi pas, personnelle.
FICHE TECHNIQUE
Origine
Québec [ Canada ]
Langue(s)
V.o. : français / s.-t.a.
By the Wind
Année : 2016 – Durée : 15 min.
Réal.
Eli Jean Tahchi
Scén.
Eli Jean Tahchi
Int.
Margot Bussière
Marc-André Casavant
Images
Simran Dewan
Son
Julia Innes
Montage
Eli Jean Tahchi
Dir. art.
Christine Rezk
Cost.
Christine Rezk
Musique
Martin Ferguson
Prod.
Marina Khoury
Dist. @
La Distributrice de Films
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